Michael Haneke, Lars Von Trier ou encore Pedro Almodovar n’ont ainsi pas besoin de Cannes pour remplir les salles, mais leur présence peut se justifier par la qualité de leurs films respectifs. Voir Cannes comme le phare cinéma du monde reste toujours en 2012 un fantasme persistant. Mais alors, à travers cette envie de capturer le meilleur de l’air du temps, que fait en compétition l’insipide Sur la route de Walter Salles, qui est loin d’avoir fait l’unanimité au sein de notre rédaction ? Après le naufrage de The Housemaid en compétition en 2010, à quoi ressemble la présence d’Im Sang-soo cette année si ce n’est à une deuxième chance ? Simplement, les films les plus importants du moment sont-ils encore dans la compétition officielle de Cannes ? L’année dernière, Takeshi Miike était en compétition avec le mineur exercice de style Hara-Kiri. Cette année, il était également à Cannes avec la comédie musicale Ai To Makoto mais son film lui ressemble tant – fou et incontrôlable – qu’il paraissait impossible de l’inviter dans la liste des 22 élus. Il resta donc hors-compétition. Sono Sion également, l’un des réalisateurs japonais les plus intéressants des quinze dernières années, avait montré l’année dernière un Guilty of Romance dégoulinant de violence et de sexe à la Quinzaine des réalisateurs, mais l’imaginer dans la sélection officielle semblait impensable. Envisager le jury présidé par Robert De Niro devant un bain de sang ou celui de Nanni Moretti devant une comédie musicale déjantée paraît inapproprié ; pas naturel. Ces deux exemples sont pourtant aussi ce à quoi ressemble aujourd’hui le cinéma mondial. C’est aussi bien De rouilles et d’os que Rengaine de Rachid Djaïdani (prix FIPRESCI de la critique internationale pour les sections parallèles) ; aussi bien le cinéma français, américain, sud-coréen qu’algérien (Le Repenti de Merzak Allouache à la Quinzaine des réalisateurs). Si la qualité des films en compétition à Cannes est toujours au rendez-vous (l’année 2012 n’est pas forcément moins intéressante que l’année 2011), si la Palme d’or décernée à Amour n’a à priori rien d’honteuse (au contraire de celle que Quentin Tarantino a décernée à Michael Moore en 2002), il reste que la grande fenêtre sur le monde que promet d’être Cannes chaque année à travers le grand jeu qui s’y joue ressemble de plus en plus au chas d’une aiguille.
Sélection naturelle
Article écrit par Fabien Alloin
Quel monde à Cannes ?