Scrapper

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Une kid et son père dans la tourmente de la résilience.

Un conte hélas moderne

Ce film qui repose entièrement sur le duo constitué par la petite fille (Lola Campbell) et le jeune homme se présentant comme son père (Harris Dickinson, découvert dans le film Sans filtre de Ruben Östlund palmé à Cannes en 2022), il faut le prendre comme un conte moderne car, bien sûr, il n’est absolument pas réaliste. Dans la banlieue de Londres, Géorgie douze ans vit seule depuis la mort de sa mère. Elle se débrouille au quotidien pour éloigner les travailleurs sociaux, raconte qu’elle vit avec un oncle, gagne de l’argent en faisant un trafic de vélo avec son ami Ali. Cet équilibre fonctionne jusqu’à l’arrivée de Jason, un jeune homme qu’elle ne connait pas et qui se présente comme étant son père. 

Venue du rap

C’est sur ce fil ténu que Charlotte Regan, qui n’est pas une débutante même si Scrapper est son premier long-métrage, puisqu’elle a réalisé quelques courts-métrages remarqués au TIFF et à Sundance, et qu’elle a débuté en créant des clips musicaux à petit budget pour rappeurs locaux, a construit ce petit bijou attachant. Particulièrement bien interprété et magnifiquement photographié par Molly Manning Walker qu’on vient de découvrir à Cannes cette année en tant que réalisatrice d’un autre petit chef-d’oeuvre, How to have sex, Scrapper – dont le sens est décapeuse – est promis à un beau succès. 

L’âme de Ken Loach

Bien sûr, classe ouvrière et banlieue de Londres aidant, on ne peut que penser ici à Ken Loach et Charlotte Regan ne le nie pas, elle conçoit même son premier long comme un hommage appuyé au maître anglais. « Je ne m’en souviens pas précisément, mais je pense avoir toujours voulu réaliser un film sur la classe ouvrière qui puisse exprimer aussi une certaine joie de vivre, déclare-t-elle dans le dossier de presse du film. J’ai grandi en adorant ce cinéma-là, mais j’avais l’impression qu’il s’agissait toujours de représentations très définies par la pauvreté, avec des personnages déprimés. Je pense que Scrapper vient de ce désir, mais aussi du deuil que j’étais en train de vivre à ce moment-là. J’ai eu envie de mélanger ces deux choses. J’ai toujours adoré Ken Loach. Tout particulièrement Shane Meadows. Je pense que justement ses films arrivent à montrer la joie de ces mondes-là. Les films de Ken Loach sont géniaux et s’ils sont tristes, c’est pour une raison précise, c’est pour nous communiquer quelque chose, pour éveiller nos consciences. »

Retrouver son père

La petite Géorgie vient de perdre sa mère qui l’élevait seule en l’absence de son père et elle a décidé de n’ouvrir sa porte à personne, de se suffire à elle-même et de subsister par de menus larcins. Cela aurait pu suffire à construire un film sur la douleur de l’absence, mais la réalisatrice qui est aussi la scénariste fait entrer dans le champ un jeune homme qui se prétend son père et qui va s’imposer à elle dans la même juvénilité, l’inventivité et la tendresse, finalement pour tisser une relation proche de résilience et de l’empathie. Une leçon de vie, de légèreté en dépit de la cruauté de la vie. « J’ai toujours eu le sentiment que dans chaque drame, dans chaque part d’ombre se trouvait quelque chose de positif, poursuit-elle. Et j’ai l’impression que c’est d’autant plus vrai chez les gens qui ont peu de choses. Quand j’étais en train d’écrire mon film, j’ai perdu mon père et ma grand-mère. Je me suis alors rendue compte que les adultes avaient tendance à vouloir rationaliser le deuil, à l’analyser en plusieurs étapes pour tenter de le surmonter. »

Titre original : Scrapper

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Durée : 84 mn


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