Trois individus, plus que de réels personnages, servent d’ancrage au réalisateur, dans un Paris ensoleillé, à l’automne. Une étudiante étrangère, un jeune travailleur clandestin et un petit garçon, tous occupés à traverser la ville, à la contempler durant 24 heures et un rêve, dans la banalité de leurs déplacements quotidiens.
Les plans du film sont des restitutions de contemplations régies par le caractère heurté, dynamique de la ville. Sensitive, bien que restant dans une grammaire cinématographique narrative, la structure du film n’invite qu’à l’observation, un peu passive, des déplacements. Mais la luminosité de la ville, sa beauté, enregistrées depuis le métro, certains ponts, ou panoramas, sont (re)construits avec suffisamment d’instinct, ainsi que d’un certain dynamisme de la mise en scène permettant d’éviter l’ennui. Les personnages, tantôt cadrés en amorce des plans, tantôt face à une caméra plus proche des visages que des corps entiers, sont les relais de cet exercice de vision. La perte d’une lentille devient l’instant d’un imperceptible décalage du regard, le signe d’un trouble visuel autant que personnel d’un des personnages.
Ce que le cinéaste réussit le mieux, c’est à restituer l’intériorité de la solitude, cette extrême fragilité dans laquelle sont les êtres, rendant par là leur observation du monde ultra-sensible, leur perception des choses fragile et instable, mais forte. À ce titre, il recrée parfaitement l’expérience du métro parisien. Comment avec de la musique sur les oreilles, dans cet isolement délibéré, un des personnages ne peut éviter de subir les regards un peu gênants de ses voisins, et expérimente ce paradoxe de l’ultra promiscuité des transports en même temps qu’un isolement total.
Le rapprochement inaugural et final des personnages dans une nature fantasmée n’est pas vraiment intéressant, tant elle semble se trouver là pour clore un système plus que pour achever une histoire. À ce titre, et ce n’est pas anodin, le personnage féminin est celui dont on prend le plus de plaisir à suivre, car on lui devine une histoire, un passé. Un petit ami laissé au pays qui attend son retour, permet de mieux apprécier un présent fait de la peur des autres en même temps que d’une envie d’en découdre, de vivre dans Paris. Hormis chez elle, la perspective fictionnelle des trajectoires personnelles est constamment et volontairement mise de côté. Une caractérisation plus consistante aurait permis au film de dépasser ce statut d’essai visuel et sensitif pour se hisser vers un récit plus incarné, une appréhension de la ville véritablement affective.
La grande maîtrise de la mise en scène, l’agencement méticuleux de ces nombreux morceaux de Paris, frustrent d’autant plus qu’ils n’interagissent que rarement avec les affects des personnages, hormis dans cette extrême solitude que l’on perçoit douloureusement chez chacun des protagonistes. Les secrets derrière ces figures restent inconnus, et ce premier long métrage manque encore de récit pour pouvoir atteindre l’affect, à défaut d’un certain pouvoir contemplatif.