Intensité… Le mot est fort, car mis à part cet unique parti pris, la forme du film est assez indifférente. Le scénario se donne pourtant des airs de drame lyrique, toile de fond musicale oblige. Alors qu’il découvre le mensonge de Judith, Roland se découvre une obsession inédite pour sa moitié. Cette hantise aurait pu être exploitée avec plus de force et de monumentalité. La symbolique se prêtait également aux excès : entre l’Ange salvateur et le Charon démoniaque, Judith, schizophrène, va en effet assumer un faux nouveau travail sur lequel nous ne lèverons pas le mystère… Réenchantement artificiel qui manquait au couple pour résister au temps et à la routine, ce job presque métaphorique diffère en fait de l’ancien uniquement parce qu’il se trouve soudainement clandestin et nimbé de secrets. Malheureusement, nos deux protagonistes aux prénoms quasi bibliques ne décollent pas de la réalité insipide qui enferre l’intrigue dans une banalité jamais transcendée.
La nullité des personnages est probablement en cause. Yves Thomas et Sophie de Daruvar n’explosent pas le constat de leur nœud initial. Malgré son activité souterraine, Isabelle Carré, si elle s’épanouit physiquement, continue toutefois de se conduire comme un chien-chien suppliant, alors que l’irascible Sergi López, antipathique au possible, noie son trouble en trompant sa copine. Comme « tempête sous un crâne », on a vu plus convaincant. Certes, les héros de tragédie sont souvent bornés et binaire, mais rarement aussi peu habités. L’envergure manque à Judith dont on a du mal à comprendre l’attachement douloureux pour Roland, trop minable pour être déchirant. On peine d’ailleurs à appliquer au film ces mots – trouble, douloureux, déchirant, envergure –, tant le costume de la tragédie ou de l’opéra semble résolument trop grand pour ce Rendez-vous avec un ange, qui s’y réfère néanmoins envers et contre tout, en dépit surtout de son manque flagrant d’ambition.
La structure en crescendo raté s’affaisse d’ailleurs péniblement lors d’un final au lyrisme démesurément exacerbé au regard de tout le déroulement du film. Rien dans le montage ne préparait à un tel excès : pleurs face caméra sur une musique assourdissante, couché de soleil par la fenêtre d’une chambre d’hôtel à la Edward Hopper (de loin). On reste cois devant ce kitsch étourdissant… Ce relent d’engagement stylistique aurait pu passer pour de l’audace s’il ne tombait pas comme un cheveu sur la soupe, comme un subterfuge dispensant les réalisateurs de choisir un véritable dénouement, ou n’importe quoi d’autre à se mettre sous la dent – du sens, par exemple. Que reste-t-il de leurs amours ? Aucune idée. Mi-opéra, mi-téléfilm, Rendez-vous avec un ange semble avoir endossé la lâcheté dont Judith était, quant à elle, injustement accusée par Roland.