Red Sparrow

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Un film malsain et navrant qui aligne sans cesse des clichés.

Réalisateur de trois des quatre Hunger Games, Francis Lawrence retrouve ici l’actrice Jennifer Lawrence.

Produit fabriqué au carré

Signé Justin Haythe d’apres un roman de Jason Matthews, Red Sparrow est plutôt habilement construit, mais s’apparente malheureusement vite à une harassante suite de clichés, de surcroît manichéens à souhait, puisque un point de vue purement américain préside à l’ensemble. On a là peut-être le parangon même d’un produit fabriqué : intrigue cousue de fil blanc qui pioche ça et là et transmet un sentiment tenace de déjà-vu. Entre les histoires d’espions et celles du faux appât se laissant prendre au piège, on en a vu pléthore. Du côté du casting aussi, on est dans l’ordre de l’attendu : rôle à Oscar pour Jennifer Lawrence en ballerine russe se reconvertissant en agente délibérément opaque.

Du pré-mâché

Comme si souvent dans les films hollywoodiens de cet acabit, l’oeuvre ne laisse pas la possibilité au spectateur de se forger sa propre opinion, un espace de réflexion reste absent et une manipulation a conséquemment lieu. Un certain savoir-faire reste perceptible dans la construction de l’intrigue, mais demeure surtout avant tout une impression de somme de formules toutes faites.
 

Maladresses

Dans sa prétention de « faire vrai » Red Sparrow échoue donc à cause de sa partialité criante et certains choix de casting ridicules. Malgré tout son talent, Matthias Schoenaerts, Belge de son état, est ici desservi en se voyant confier le rôle d’un Russe machiavélique. A quoi cela rime-t-il donc ? D’autres partis-pris sont symptomatiques des faiblesses d’Hollywood : pourquoi, par exemple, les Russes ne parlent-ils pas dans leur langue ?

Pas d’empathie

On reste completement extérieur à ce spectacle glaçant. La protagoniste Dominika Egorova ne nous touche aucunement, ce qui constitue un probleme de poids, puisqu’elle est quasi omniprésente à l’écran et la caméra de Jo Willems la scrute sans trêve. On sent que des efforts – d’interprétation, de photo, etc – ont été fournis, mais on se demande vraiment à quelle fin.
 

Mauvais goût

Red Sparrow cède aussi volontiers à une douteuse tendance pour l’obscène, dont notamment une scène insoutenable de torture, qui fait l’objet d’une dilatation malsaine et dans laquelle on voit l’agent joué par Joel Edgerton se faire arracher des morceaux de peau. S’ajoutant aux défauts de prévisibilité, d’antipathie et de bêtise profonde, le produit de Francis Lawrence en devient ainsi vraiment horripilant.

Vanitas vanitati

Le sentiment qui domine finalement est celui d’une indéfectible vacuité, vaniteuse. La vanité, dans les deux sens principaux du terme, déborde en effet de tous les pores de ce Red Sparrow qui ne nous apporte rien et semble pourtant, en même temps, très satisfait de lui.

Titre original : Red Sparrow

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Durée : 141 mn


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