Quentin Dupieux, l’absurdité du vide

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Mettons de côté Mr Oizo et sa peluche Flat Eric pour nous concentrer sur le début de carrière cinématographique pleine de soubresauts de Sir Quentin Dupieux.

Qu’il assure ou non, dans la musique ou au cinéma, Quentin Dupieux est avant tout un expérimentateur. Il fut l’un des premiers, sur Rubber, à utiliser le Canon EOS 5D Mark II au cinéma, l’appareil lui permettant plus de mobilité, plus d’audace dans sa manière de filmer. Certains plans, comme ceux au ras du sol, à hauteur de pneu, n’opéraient que mieux. Avec Wrong (2012), il teste un nouveau prototype, la caméra HD-Koi. Les avancées techniques semblent constituer pour Dupieux un terreau de possibilités nouvelles. Les tournages sont moins chargés et il occupe lui-même plusieurs fonctions. En étant ainsi un peu tout à la fois, Dupieux pose des barrières au sein même de son cinéma. En effet, lorsqu’il s’autoproclame cadreur ou monteur, il restreint son film à son seul regard. L’œil du cadreur, pareil à celui du monteur, est nécessaire, indispensable même. Prendre du recul et se montrer prudent, voilà les règles à suivre pour ne pas devenir bientôt aussi arrogant et mégalo qu’un Vincent Gallo.


Au commencement : un film qui n’en est pas un

En commençant sa carrière de réalisateur en faisant un film qu’il revendique comme n’en étant pas un, Dupieux, dès le début, fait état de ce à quoi ressembleront ses productions : des phénomènes rares et inégaux. Quoiqu’on pense de lui et de ses œuvres, Dupieux a au moins l’avantage de faire débat et d’amener les gens à argumenter autour de lui. Et pas seulement les critiques. Discuter de Quentin Dupieux avec le public est une chose passionnante. Et même si l’artiste aimerait nous laisser indifférents, c’est loin d’être le cas et tout ce que chacun a à dire sur lui dépasse le simple fait établi et sans valeur du « J’aime/J’aime pas ».

« Non film (2001) est né d’un caprice d’enfant gâté. À l’époque, j’avais gagné beaucoup de fric avec la musique. J’avais des millions sur mon compte et c’était l’angoisse. Donc l’idée de faire un film était un moyen drôle de dépenser l’argent. Ça donnait une comédie plutôt marrante avec un mode de narration et une manière de filmer totalement hideuses, grâce à une caméra 16mm qui pèse le poids d’un caméscope. On tournait les scènes dans l’ordre chronologique et plus je filmais, plus ça donnait n’importe quoi. Ça s’appelait Non film donc je ne voulais pas que ça ressemble à un film. Pas de montage, pas de musique, pas de son rajouté en post-prod. » (1)

Nombreux sont les films sur un tournage en train de se faire. D’année en année, la mise en abyme cinématographique semble toujours plus que nécessaire. Le Mépris (Jean-Luc Godard, 1963), 8 1/2 (Federico Fellini, 1963), La Nuit américaine (François Truffaut, 1973), Ça tourne à Manhattan (Tom DiCillo, 1994)… Ne rabâchons plus tous ces films que chaque cinéphile a vu, revu et analysé. Dupieux fustige une certaine tendance du cinéma français au sein duquel, pour lui, il ne se passe sûrement pas grand-chose. Il en a marre, de tous ces acteurs qui semblent déclamer leur texte, et il leur préfère les acteurs qu’il met lui-même en scène dans son Non Film, frais et spontanés. Ou complètement abrutis et décontenancés, au choix. Ces acteurs et personnages errent au sein d’un paysage désertique (qu’on retrouvera dans les autres films de Dupieux), ne sachant ni que dire ni comment le dire. Certains ont peur du naturel tandis que d’autres s’expriment sans réfléchir. À voir tous ces balourds traîner dans le champ, on pourrait croire qu’ils n’ont jamais entendu parler de cinéma. La régisseuse n’hésite pas à servir une louche de purée sur le scénario (le message, s’il y en a un, est clair). Personne ne sait comment fonctionne un tournage et tout le monde a l’air de n’en avoir rien à faire. Le dispositif de départ qui ressemblait à un making of se transforme vite en match d’improvisation. Très vite, l’équipe n’a même plus de caméra pour tourner.

Dès ses débuts, Quentin Dupieux invite à tout sauf à l’analyse. Essayer de raisonner son cinéma, c’est déjà le compromettre. Dans ce Non Film, il ne se passe rien. Comme dans le reste du cinéma français, semble-t-on penser. Avec Steak (2007), il laissera entrevoir un possible renouvellement, qui ne durera qu’un temps.

Détours critiques : à propos de Steak

S’il y a donc bien un film dont on doit ici discuter et qui a suscité un grand nombre de débats à sa sortie et bien après, c’est Steak. Un auteur incompris est né avec ce film méprisé. Il fut le malheureux témoin de ces idées toutes faites du clivage, qui n’a pas lieu d’être, entre cinéma populaire, commercialisé, et cinéma d’auteur. Le malentendu majeur a concerné les horizons d’attente du public : le film d’auteur fut avant toute autre chose présenté comme une comédie à la Éric & Ramzy. À l’annonce du film, un certain public s’est senti visé, celui aimant les comédies avec le célèbre duo d’humoristes (on pouvait entendre, de la bouche de ceux qui l’attendaient, qu’il s’agissait du « nouvel Éric & Ramzy »). Le spectateur avait donc, d’ores et déjà, produit sa propre attente. Peu nombreux étaient ceux qui s’attendaient à un film « singulier », d’un artiste particulier, Quentin Dupieux. L’en-tête de l’affiche promo titrait, à coups de couleurs et de caractères grossièrement rouges : « La nouvelle comédie avec Éric & Ramzy », les deux acolytes étant bien plus vendeurs que le seul Dupieux. On pouvait lire dans Libération : « Échaudé par l’accueil méprisant réservé à leurs dernières incursions cinéma (Double Zéro et Les Dalton), le duo comique Éric et Ramzy et leur distributeur Studio Canal ont préféré ne pas montrer ce nouveau film au-delà d’une certaine presse magazine ciblée » (2). En misant beaucoup sur le duo d’acteurs, ils ont pourtant ciblé la presse qui allait le moins comprendre le film…

Effectivement, la promotion du film a été extrêmement restreinte. Il n’y a pas eu de projection de presse organisée (450 copies du film ont pourtant été tirées). Citons les propos tenus dans la critique de L’Humanité, propos qui parlent d’eux-mêmes : « Avouons-le tout de go : nous n’avons pas vu le film. Au lieu de nous le montrer, l’attaché de presse nous a envoyé un dossier informatif accompagné d’un DVD contenant des extraits du film. C’est donc une œuvre dangereuse, à ne pas mettre sous tous les yeux » (3). Ainsi que dans la critique de Libération :
« À Libé, nous n’avions d’ailleurs reçu qu’un dossier de presse, mais une main généreuse, passant outre ce filtrage marketing, a déposé opportunément un DVD du film sur notre bureau » (4).

Chivers

Un grand nombre de critiques négatives ont été formulées à l’encontre du film lors de sa sortie en salles, qu’il s’agisse du public ou de la presse. Avis négatifs d’où semblait surgir une sensation commune : la confusion, l’incompréhension. Ainsi un grand nombre de critiques, plus ou moins argumentées, se sont succédées.
 Le Journal du Dimanche qualifia le film d’« ovni cinématographique, qui se veut une comédie grinçante, mais ne fait pas rire » (5). La critique continua à s’attacher à la façon dont on lui a vendu le film et à ce qu’il en est vraiment, un peu manière de dire « On nous a dit qu’on allait rire et on n’a pas ri ». Comme si le film (car, dans ces critiques, il est toujours question du film ou d’Éric & Ramzy et très peu, ou pas du tout, de Quentin Dupieux) ne remplissait pas le contrat de la comédie telle qu’on la connaît (le film a appelé un public de masse) et telle qu’on l’attend.
 Le film est qualifié de « grand n’importe quoi », d’« ovni cinématographique » (6) ou encore de « drôle de film inclassable » (7).
 Le malentendu régnait en maître. Il s’agissait de constatations, concrètes et légales, mais non justifiées, pas argumentées. Cette singularité d’auteur semble difficile à définir par l’ambiguïté qu’il pose avec le genre auquel il se prête et que le spectateur ne reconnaît pas dans son caractère convenu : en jouant des codes et conventions du genre, le cinéaste y appose sa marque d’auteur. Nous pouvons aussi évoquer le cas de la revue Les Inrockuptibles qui s’est vue publier une critique négative lors de la sortie du film en salles pour, quelques temps plus tard, à la sortie du film en DVD, effectuer une sorte de retournement en publiant une nouvelle critique, cette fois positive, de Steak. Dupieux l’a lui-même constaté : « Généralement, quand Éric et Ramzy font un film, il est obligatoirement considéré comme une merde et on leur chie à la gueule. Les tocards des Inrockuptibles qui ont toujours l’impression d’être en avance sur tout alors qu’ils ont juste cinq ans de retard ont défoncé le film pour des motifs de ce genre. Sur le moment, j’ai trouvé ça génial. Ils défendent n’importe quel truc que réalise Michel Gondry parce que c’est hype et là, parce que c’est un film avec Éric et Ramzy, c’était forcément de la merde » (8).

S’est alors posée la question : film d’auteur vs. Éric & Ramzy, qui reconnaît l’auteur ? Le film joue ainsi justement sur cette relation entre cinéma d’auteur et cinéma commercial, en rejetant ce clivage pourtant encore présent aujourd’hui (la façon dont le film a été reçu en est une preuve évidente) : « très grossièrement, depuis la Nouvelle Vague, s’est installé en France un cinéma à deux vitesses, les deux secteurs étant d’ailleurs aidés par l’État : d’un côté le cinéma dit commercial, […] de l’autre le cinéma d’auteur » (9), le premier se rapportant à la notion de genre. Or, « on ne saurait évacuer la question des relations entre genre et auteur en opposant œuvres de genre et œuvres d’auteur et en rapportant les premières à une production industrielle entièrement gouvernée par la sérialité, les secondes à une création artistique totalement libérée des contraintes du milieu social et cinématographique » (10). Dans une même perspective, Stéphane Delorme et Jean-Philippe Tessé dans Les Cahiers du Cinéma, écrivaient qu’« il serait idiot de jouer l’auteur contre les acteurs » (11). Effectivement, il ne s’agit plus de penser ce que représentent Éric & Ramzy d’un côté et ce que représente Quentin Dupieux de l’autre, mais voir ce que tout ça donne mêlé, entre ces deux façons de faire du cinéma qui paraissent concurrentes mais qui finalement ne le sont pas.

 

 

Sébastien Tellier et Éric Judor
 
 
Un des paradoxes occasionnés par le film est l’engouement qu’il a suscité de la part d’un certain public et d’une certaine presse spécialisée, habitués à défendre un cinéma « d’auteur ». Ainsi le Steak de Quentin Dupieux fut longuement applaudi par la critique de Libération et des Cahiers du Cinéma, pour s’en tenir à ces exemples : « Steak est grosso modo une comédie mais strictement un film d’anticipation » (12) ; « On pouvait craindre une daube sans nom, et on se retrouve avec un film profondément atypique. […] La curiosité suscitée par Steak tient en priorité à celui qui le signe, Quentin Dupieux » (13). S’ensuit une partie de l’article de Libération consacrée à la présentation de l’auteur Quentin Dupieux. Représentatives d’une prise de position contraire, celle qui défend le film de Dupieux, ces critiques mettent à jour des points sur lesquels ne semblaient pas s’étendre les autres avis qui se voulaient négatifs, c’est-à-dire sur l’univers singulier de Dupieux lui-même. Dupieux : « Je me souviens que deux jours avant la sortie du film, on avait fait une avant-première spéciale entre copains où quelques journalistes s’étaient glissés. Pour présenter le film, j’ai dit en déconnant au micro que j’avais inventé un nouveau genre : le « navet conceptuel sinistre ». Un critique du Parisien présent dans la salle avait noté ça et l’a ressorti texto dans son papier. J’ai trouvé ça hallucinant. Cependant, on a eu Libération qui nous a soutenus en faisant deux pages sympas pour ouvrir leur cahier cinéma du mercredi. Le papier était super bon et ça me faisait rire de voir Éric et Ramzy en pleine page d’un journal qui préfère d’ordinaire encenser les films d’auteur provenant de l’autre bout du monde. Les Cahiers du Cinéma ont défendu le film aussi alors qu’on ne leur avait rien demandé. Ils sont allés voir le film en salles avec de vrais spectateurs comme tout le monde car ils n’avaient pas été invités à cette avant-première » (14).
Dans cette optique-là, ce sont la critique et le public qui « consacrent » le film, en ignorant ou non l’auteur. Pourtant, Dupieux et son film détournent le caractère social ainsi que les idées reçues et les différentes réceptions du film sont bien là pour le prouver. Le fait est qu’il semble encore plus difficile de considérer un auteur qui, outre d’autres productions diverses (clips, musique, …), n’avait réalisé jusqu’à Steak qu’un seul long métrage de cinéma. Dupieux, avec Steak, se déleste de toute prétention d’auteur en jouant justement sur des critères génériques et commerciaux qui trompent alors une partie des récepteurs mais qui ne font que l’affirmer dans un style qui lui est particulier et auquel on ne peut rien comparer.

Rubber roule mais n’amasse pas foule

Comme certains de ses pairs (qualifiés de « postmodernes » mais ça, ça nous est franchement égal), Dupieux démène les clichés pour les savourer à sa propre sauce. Certains aspects absurdes de Rubber (2010), il faut dire qu’il y en a, peuvent faire penser aux traitements loufoques des Frères Coen à propos de leurs personnages. Le shérif (excellent Stephen Spinella) semble être un collègue de Marge (Frances McDormand) dans Fargo (1995). Le barbare Gaear Grimsrud (Peter Stormare) ne semble pas être plus intelligent que Robert (le pneu) : homme ou caoutchouc, même combat, leurs réactions sont animales, instinctives. Il faut tuer. D’autres comparaisons auraient lieu d’être mais notre intérêt ne se trouve pas vraiment là. 

 

 
Comme en ce qui concerne la musique électronique, le médium cinématographique ne constitue pas pour Dupieux un moyen de transmettre un message. Comme pour la musique, il ne veut pas que les choses en train de se faire (l’image qui se meut, le son qui se propage) soient rationalisées, mais bien plutôt ressenties. Aujourd’hui, certaines formes cinématographiques semblent épuisées et nos réactions, préméditées. Toutes les situations de tous les genres cinématographiques ont été maintes fois exploitées, les personnages stéréotypés ne sont rien d’autre que des statues figées. Le cinéma, à force de rabâcher, ne surprend plus le spectateur, ne l’anime plus. En transposant tous les standards de différents genres mélangés, Dupieux réussit à susciter de nouvelles émotions chez le spectateur. Le cinéma est-il désormais dans un état si désespéré que même un pneu peut susciter notre empathie ? La plastique parfaite de nos acteurs chéris sont désormais d’un autre temps. Le cinéma, et autrement qu’à travers les moyens du dessin animé, rend le caoutchouc vivant. Rubber a tout d’un film du futur. Le pneu semble se démener sur un terrain de jeux post-apocalyptique bourré de références à un certain autrefois, cinématographique ou pas. Cinéma, cinéma… Comme disait Gabin : « De l’illusion, des bulles, du bidon » (15). Et ça, Quentin Dupieux l’a bien compris. Aucune théorisation, aucune réflexivité dans son film qui ne réfléchit pas à la place du public au sein du cinéma mais qui, au contraire, s’en moque. Et l’empoisonne. Il se moque de ce public dont il a tant besoin. Dupieux n’agit pas en toute liberté, mais en toute spontanéité. Si le public l’irrite, il le supprime du scénario en lui faisant avaler du poulet avarié. Ils n’avaient qu’à venir voir Steak (16)… Si Robert tue de la sorte, c’est peut-être aussi un peu pour sauver son espèce. À la fin du film, des pneus se regroupent et suivent le tricycle, leader du peloton. Aujourd’hui, le cinéma redonne une place majeure aux freaks et aux minorités dont on s’est tant moqué : Gavras avec les roux, Dupieux avec les pneus… À quand la révolte des fans de Phil Collins ? 

 

Robert le pneu tueur

Quentin Dupieux s’amuse. Soit. Mais on se dit qu’il aurait dû aller chercher d’autres ressources, plus profondes et consistantes (remplir le vide, en quelque sorte), car l’irrationalité qu’il prône tant se retrouve très vite limitée. Rubber ne va pas plus loin qu’une simple volonté d’exercice de style. Dans son film précédent, le steak était à point. Ici, le caoutchouc devient gluant et le film s’embourbe dans un système de répétitions de scènes. L’absurdité de départ était pourtant intéressante, mais il n’y a pas de déstructuration possible, le film tourne en rond. Il faut que le public accepte de regarder un pneu rouler pendant 1h15 en étant pleinement conscient que Dupieux dépasse ici le stade de l’expérimentation en la remplaçant par l’ennui, une non-narration qui en est quand même une et qui nous plombe d’un bout à l’autre. Pourquoi donc, finalement, Rubber déçoit-il autant ? « No reason ». Mais ça, on était prévenu.


Wrong : anesthésie du spectateur

Crédité en tant que réalisateur, scénariste, cadreur et monteur de Wrong, Quentin Dupieux ne cesse de réaffirmer son caractère auteuriste et décalé (il l’est de moins en moins). La confusion intérieure qui anime Dolph, errant de situation en situation, de causes en conséquences, parfois incohérentes, toujours inexplicables, nous fait assurément penser à A Serious Man (2009) des frères Coen. Ces derniers maniaient l’absurde et l’humour noir entre cocasserie et grotesque. La recette fonctionnait, les situations burlesques s’enchaînant et ravivant sans cesse le rythme du film en même temps que le désespoir de Larry Gopnick. Wrong expose une vitrine sans reflet, où le réalisateur traite ses personnages avec arrogance tels des pions, au mieux des marionnettes.
 
 

Se permettre tout est n’importe quoi, tel est l’adage. Soit Quentin Dupieux a un problème avec les flous, soit son assistant caméra est aveugle et manchot. Il filme les champs/contrechamps les plus plombants de la dernière décennie. Dès les premières minutes, l’échange, plus social qu’amical, entre Dolph et son voisin Mike, est comme un avion qui décide de se crasher volontairement dès son démarrage. Le montage agit sur le spectateur comme un somnifère. Une fois endormi, il reçoit une piqûre d’appel à la passivité : le jardinier (Éric Judor) meurt d’un infarctus puis revient en pleine forme quelques séquences plus tard, sans raison ni explication. Le spectateur est censé accepter sans rechigner cet état d’inertie visuelle et cérébrale. Ni raison ni sensation. Le public, comme dans Rubber, est presque mort. Le poison fatal lui est injecté lors de la phase finale : la scène de fin est rembobinée devant nos yeux avant d’être (re)jouée par des personnages moins vivants qu’un tronc d’arbre. Le cinéma de Quentin Dupieux est un désert dans lequel il vaut mieux essayer de ne plus se perdre.

Un soupçon d’espoir ? L’étape Wrong Cops

Cette année, Quentin Dupieux a présenté le premier chapitre de Wrong Cops au Festival de Cannes. Il s’agit de plusieurs courts métrages, à la suite les uns des autres, destinés à former en fin de compte un film d’1h30, traitant de flics perturbés, un peu demeurés. On a pu voir le premier extrait sur Canal+ et Internet pendant un certain temps, découvrant ainsi un Marilyn Manson en ado blasé. Dupieux sait toujours comment nous surprendre. Mais attention, rien à voir avec Wrong, comme on peut le constater en lisant le « Fait n°1 »  : « Wrong Cops est le troisième film de Quentin Dupieux produit par Realitism Films. Il s’agit d’une comédie de 90 minutes sur des flics dérangés mentalement. Ce n’est pas une suite de Wrong. Quentin Dupieux est juste paresseux en ce qui concerne les titres » (17). Au vu du premier chapitre, l’humour manque de marginalité. L’absurde semble céder toujours plus de place à la lourdeur. Ne tirons cependant pas de conclusions hâtives, la sortie du long métrage est prévue pour 2013.

Après l’épisode Steak, Quentin Dupieux s’est exilé aux États-Unis. Ce départ n’a pas réussi à ses films. Reste à voir s’il parviendra, avec le temps, à marquer ses oeuvres de sa patte, une french touch qu’il souhaite unique et singulière.

 

 
Marilyn Manson

(1) Romain Le Vern, « Steak En DVD : Retour Avec Quentin Dupieux », LCI, 26.12.2007.
(2) Didier Péron, « Steak dare dare », Libération, 20.06.2007.
(3) Vincent Ostria, L’Humanité, 20.06.2007.
(4) Voir note (2)
(5) B.T., « Mauvaise carne », Le Journal du Dimanche, 17.06.2007.
(6) Ibidem
(7) Télérama, 04.07.2007
(8) Voir note (1)
(9) Steven Bernas, L’Auteur au cinéma, Paris, L’Harmattan, « Champs visuels », 2002.
(10) Raphaëlle Moine, Les Genres du cinéma, Paris, Armand Colin, « Armand Colin Cinema », 2008.
(11) Stéphane Delorme, Jean-Philippe Tesse, « À point », Cahiers du Cinéma, n° 625, 07-08.2007, p. 35-36.
(12) Ibidem
(13) Voir note (2)
(14) Voir note (1)
(15) Paris-Presse, 16 janvier 1959.
(16) « C’est un public fictif, à partir du moment où ce public regarde un film avec des jumelles, sans savoir pourquoi, mais ils sont obligés de regarder le film et doivent dormir sur place… mais bon, le public n’a pas été tendre avec moi pour Steak, ce n’est pas impossible que ce soit juste une façon de lui rendre la monnaie de sa pièce, d’une manière rigolote ! Pour Steak, il y avait même des projections sans public ! L’idée de mettre des spectateurs dans Rubber, c’était une façon d’être certain qu’il y ait un public ! », Brazil, 11.2010.
(17) « Wrong Cops is a Quentin Dupieux’s third movie produced by Realitism Films. It is a filthy 90 minute comedy about some disturbed cops. It is not a squel to Wrong. Quentin Dupieux is just lazy with titles ».
 


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