Pride

Article écrit par

Comédie sociale et engagée sur l’histoire vraie du front commun entre gays et mineurs contre Thatcher.

La Queer Palm, qui récompense un film pour ses qualités artistiques et son traitement des questions gay, lesbienne, bi ou trans, a été remise en mai 2014 à Cannes à Pride, qui venait clôturer avec légéreté la Quinzaine des réalisateurs. Le film de Matthew Marchus (l’oubliable Simpatico, 2000) brille moins par ses qualités artistiques que par sa foi indéfectible en son sujet, et le sérieux qu’il emploie à faire rimer questions sociales et feel good movie. Nous sommes en 1984 en Grande Bretagne, alors que la grève des mineurs bat son plein et que Margaret Thatcher s’acharne à affamer les ouvriers du charbon. Un groupe de militants homosexuels (Lesbiennes et Gays en Soutien aux Mineurs, LGSM) va apporter son aide à un petit village de grévistes du Sud du Pays de Galles, en récoltant des fonds à Londres d’abord puis en faisant le voyage en minibus jusque dans la bourgade, très peu intéressée par les questions LGBT. D’abord plutôt réfractaire à l’arrivée de “folles” excentriques dans leurs réunions syndicales, les mineurs vont apprendre à faire front commun avec les homos venus prêter main forte – après tout, le combat contre Thatcher et contre les inégalités sociales est le même.

L’histoire est vraie, et on en connaît la fin : en mars 1985, les mineurs retournent au travail sans avoir rien obtenu, les pertes financières étant devenues trop lourdes. Pride préfère se concentrer sur le constat, réjouissant pour le coup, que l’homme sait aussi parfois faire preuve de solidarité quand il s’agit de rassembler les exclus du monde. En résulte un film à la bonne humeur contagieuse, qui alterne assez habilement entertainment pur et dur et faits de société plus graves, à renfort d’images d’archives qui viennent ponctuer les moments de franche comédie. Si certaines scènes sont franchement impossibles (la grande séquence de bal où Dominic West se lance dans un show à la Freddie Mercury, rendant toutes les femmes amoureuses de lui et les hommes prompts à faire la queue pour venir lui demander de leur apprendre à danser), l’ensemble fonctionne sans temps mort, notamment grâce à une galerie de personnages aussi clichés que bien dessinés, et grandement servis par l’interprétation des acteurs.

 


Pride
n’oublie pas les affres liées à la question de la revendication de l’homosexualité dans une époque particulièrement homophobe, et le film prend alors des allures de catalogue : mise au ban des parents, secrets et mensonges, aggressions physiques ou hécatombe du Sida sont évoqués dans l’ordre et sans surprise. Sauf que Matthew Marchus a la bonne idée d’ouvertement jouer la caricature, et de l’assumer comme telle. Outre le fait d’avoir été ému par la rencontre improbable entre deux catégories sociales plus proches qu’elles n’y paraissent mais complètement étrangères l’une à l’autre, le réalisateur préfère toujours la comédie au mélo, s’amuse de planter des personnages littéralement très colorés dans un décor aussi austère que l’est l’époque. C’est là que naissent les quelques trouvailles visuelles de Pride, quand une camionnette bigarrée bat le pavé d’un village qui n’est finalement qu’une seule rue bâtie sur une ancienne voie romaine (l’équipe a tourné sur les lieux véritables de l’action), alignement de briques et de gris d’une tristesse infinie qui, quelques semaines durant, aura trouvé un peu de vie. Ce n’est pas un hasard si, peu de temps après, tout ce beau monde se retrouve à la Gay Pride de Londres : retrouver une énergie commune est, là encore, politique.
 

Titre original : Pride

Réalisateur :

Acteurs : , , ,

Année :

Genre :

Durée : 114 mn


Partager:

Twitter Facebook

Lire aussi

Journal intime

Journal intime

Adapté librement du roman de Vasco Pratolini, « Cronaca familiare » (chronique familiale), « Journal intime » est considéré à juste titre par la critique comme le chef d’œuvre superlatif de Zurlini. Par une purge émotionnelle, le cinéaste par excellence du sentiment rentré décante une relation fraternelle et en crève l’abcès mortifère.

Été violent

Été violent

« Eté violent » est le fruit d’une maturité filmique. Affublé d’une réputation de cinéaste difficilement malléable, Zurlini traverse des périodes tempétueuses où son travail n’est pas reconnu à sa juste valeur. Cet été
violent est le produit d’un hiatus de trois ans. Le film traite d’une année-charnière qui voit la chute du fascisme tandis que les bouleversements socio-politiques qui s’ensuivent dans la péninsule transalpine condensent une imagerie qui fait sa richesse.

Le Désert des tartares

Le Désert des tartares

Antithèse du drame épique dans son refus du spectaculaire, « Le désert des Tartares » apparaît comme une œuvre à combustion lente, chant du cygne de Valerio Zurlini dans son adaptation du roman éponyme de Dino Buzzati. Mélodrame de l’étiquette militaire, le film offre un écrin visuel grandiose à la lancinante déshumanisation qui s’y joue ; donnant corps à l’abstraction surréaliste de Buzzati.