La séduction de Petits héros, second film de son auteur, l’israëlien Itay Lev, réside essentiellement dans l’extrême simplicité du suivi de son récit. En un temps finalement assez court (1h16), le cinéaste parvient à donner à cette histoire de croyance dans les intuitions d’une gamine un véritable souffle, un rythme. A la crainte première de ne suivre au final qu’un enième film pour enfants à la morale confortable succède très vite la certitude d’une réelle intelligence scénaristique, d’une réjouissante maîtrise scénique.
Il serait peu aisé de définir chez Itay Lev un véritable « style », d’aborder son travail de mise en scène dans sa dimension purement formelle et esthétique. Contrairement à nombre de films ayant marqué (pour de bonnes ou de mauvaises raisons) ce début d’année, tels que Redacted, There will be blood, voire No country for old men, Petits héros puise sa singularité dans son parfait dépouillement visuel, sa littéralité. Le récit, linéaire, se suit avec plaisir, parvenant à redonner à l’idée même de naïveté une nouvelle noblesse : certes, tout ce qui nous est ici exposé ne souffre d’aucune crédibilité, la réalité de la vie israëlienne reste au second plan, l’issue de l’escapade ne fait aucun doute… mais cette prévisibilité, ce relatif simplisme ne dérangent jamais.
Surprend de bout en bout l’absence de manières, le suivi point par point d’une histoire au tracé hautement limpide. Alicia, l’héroïne, par son apaisement, sa foi immuable en sa seule perception, installe très vite comme un profond sentiment de confiance, une plénitude faisant adhérer sans mal à son périlleux projet de sauver un jeune couple victime d’un accident passé inaperçu. L’accompagnent dans son doux périple Lev, son frère aîné, considéré comme « simple » mais au fond victime de sa méconnaissance de l’hébreu (ce sont des émigrés russes) et Ezrel, un garçon en butte à la défiance de ses camarades suite au décès de son père militaire. Chacun se révèlera, par sa particularité même, par sa marginalité, nécessaire, à un moment précis, à l’aboutissement du projet.
D’une constante clarté, toujours précis dans ses propositions, Petits héros ne cesse, au fur et à mesure de son évolution, de gagner en séduction, se révèle progressivement animé d’une volonté rare de croire, tout simplement, en sa fiction. Inutile de se questionner longuement quant à la raison de tel revirement soudain dans le comportement d’un personnage initialement hostile : une évidence, peut-être la force de conviction toute en sourires d’Alicia, apparaît sans cesse comme la plus probable cause. Tout vibre par la grâce d’un euphorisant processus de reconnaissance. Chaque nouvel obstacle, tout nouvel ennemi se révèlera, par la magie d’un désarmement spontané, subitement familier, fraternel. Ivresse des possibles poussée à son degré le plus jouissivement absurde.
C’est de cette sensation permanente de facilité, de cette souplesse généralisée d’un monde de prime abord si complexe que résulte, la résolution approchant, un rare sentiment de bonheur, une intensité du moindre plan. Tout s’enchaîne, se répond, cohabite, avec une cohérence fascinante. Chaque problème expose sa solution, le moindre maillon de la chaîne fictionnelle trouve en un lieu particulier sa fonction. Tout cela, sans le moindre tapage, dans une atmosphère aussi joyeuse que retenue. Vient parfois à l’esprit, devant pareil sens de l’évidence, de la mise à nu frontale et assumée d’une certaine féerie, le souvenir du Kusturica des grands jours, celui qui, jusqu’à Chat noir, chat blanc, sut donner une totale forme cinématographique à l’idée de rencontre, de camaraderie.
Grand film dépouillé, forme de mini chef-d’oeuvre, de merveille anonyme (esthétique et musique proches du téléfilm), Petits héros est la preuve que la simple volonté de conter une histoire, libérée de tout surmoi auteuriste et conceptuel, peut être porteuse d’adhésion spontanée. Par sa désuétude même, son évidente absence d’ambition, il lance à tout un cinema contemporain le défi de l’humilité. Sa solitude le rend ainsi essentiel.