Pauline s’arrache

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Film-vérité sur une histoire familiale, pleine d’humour, de tendresse, de cruauté et de poésie.

Avec son premier long métrage, présenté a Cannes cette année dans le cadre de l’Acid, Émilie Brisavoine pourrait bien représenter le renouveau du cinéma français en dehors de toute attente. Professeur d’arts appliqués, designer, actrice à l’occasion (notamment dans La bataille de Solferino de Justine Triet (2013) et Peine perdue d’Arthur Harari (2013)), cette jeune femme issue du premier mariage de sa mère profite du caractère particulièrement atypique de sa famille pour la mettre en scène en la présentant à la manière d’un conte de fées. Et on la comprend dès les premières images qui nous montrent une séquence dans laquelle on découvre son beau-père, le deuxième mari de sa mère, qui danse habillé en Marilyn en compagnie de son jeune fils travesti lui aussi. Au départ, le film commence comme un jeu puisqu’Émilie s’amuse à filmer sa famille dans tous les moments de sa vie. Celle-ci ne se rend compte de rien, habituée qu’elle est aux diverses pratiques artistiques de l’aînée. « Je ne savais pas trop pourquoi je filmais, confie la réalisatrice dans le dossier de presse, c’est juste que j’en avais trop envie, que c’était nécessaire. Ni eux, ni moi, n’imaginions que cela donnerait un film qui irait à Cannes, en salles… »

En effet, la démarche est étonnante car, avec une bonne soixantaine d’heures de rushes, Émilie Brisavoine trouve finalement un producteur qui lui présente une monteuse, Karen Benainous, qui l’aidera à mettre en forme le projet. En fait le film prend corps au montage, comme souvent et, de cette matière informe, naît une histoire qu’elle décide de clarifier en introduisant des cartons illustrés qui structurent un peu la narration décousue due au genre vidéo-portrait. Le film commence donc par un carton introductif qui donne le ton du film : « Ça commence comme un conte de fées : il y a une reine, un roi et leurs beaux enfants, Pauline, Anaïs et Guillaume. Mais c’est un peu plus compliqué que ça en fait… »

Du coup, les parents et leurs enfants deviennent des personnages d’une drôle d’histoire, comique et triste à la fois, même si la narratrice, comme tout bon marionnettiste, reste invisible – on entend seulement sa voix off. La mère apparaît souvent, avec son look inoubliable même si elle ne semble pas trop goûter la caméra, le (beau)-père en héros des temps modernes, homosexuel provocateur et bon père de famille. Les deux cadets, Anaïs et Guillaume, sont moins présents sauf pour éclairer un point commun ou un litige. C’est la semi-sœur d’Émilie Brisavoine qui crève surtout l’écran. En effet, Pauline a une présence folle et ce ne serait pas étonnant qu’on la retrouve bientôt dans des films de fiction. Son naturel et son charme, sans oublier sa photogénie, émouvraient le spectateur le plus endurci.
Pauline s’arrache, qui sort en décembre en ces temps meurtris, va sans doute cartonner et pas seulement dans les colonnes critiques des magazines, mais surtout dans le cœur des spectateurs qui y retrouveront tous le miroir à peine déformant de leur propre histoire familiale, pleine d’humour, de tendresse, de cruauté et de poésie. En fait tout ce qui manque à notre cinéma un peu à court d’imagination.

Titre original : Pauline s'arrache

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Durée : 88 mn


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