D’abord les personnages : Anna, la mère, dans la souffrance de la séparation d’avec le père de sa fille Lou, n’apparaît tout au long du film, et bien qu’au centre de tous les regards, que comme le pantin aliéné et aliénant du réalisateur. L’actrice, Audrey Beaulieu, présente une palette riche, ses émotions à brûle pourpoint nuancées par les menaces du kidnappeur qui sanctionne toute dérive hystérique donne à voir un équilibre émotionnel intéressant. Cependant, la mise en scène racoleuse fait le plus souvent échouer cette sensibilité de jeu. Vient ensuite Lou, jeune fille délaissée par son irresponsable de père, asthmatique (détail dont on pressent quel rôle convenu il aura dans la suite du scénario) mais qui disparaît rapidement pour laisser place au vide de l’enfant enlevé ; enfin le kidnappeur : caricatural, avec sa voix grossièrement travaillée, frôlant la parodie, son look patibulaire et son regard de psychopathe factice, retranché dans une chambre bleue électrique. Son identité, révélée dans les derniers plans, est d’autant plus décevante qu’elle était attendue depuis le début. Quelques autres personnages interviennent tout au long de la poursuite d’Anna, tout aussi peu crédibles.
L’intrigue supposée nouer l’angoisse de cette course contre la montre (et la mort) ne fonctionne qu’à partir d’une série d’agressions de mauvais goûts, dont on peine à voir le sens et qui met sérieusement à l’épreuve la crédibilité de la figure du « psychopathe ». Comme ses attributs extérieurs (voix, vêtements, lieu de résidence), ses injonctions se révèlent un apparat de mauvaise série B, habitées par des dialogues que l’une des phrases du film synthétise tristement : « dans la vie, on baise ou on est baisé ». Agresser le beauf qui a invité Anna à coucher avec lui, agresser les gardiens du parc, jusqu’à l’acte final et tragique commandé à Anna qui achève de faire du film un fait divers sordide – dont Claude Chabrol aurait pu s’emparer avec une ironie impitoyable – se révèlent être de piètres mises à l’épreuve tant de la figure du psychopathe que de celle d’Anna. La caméra à l’épaule lancinante qui accompagne la succession de plans séquences dans les Buttes-Chaumont tout au long du film aurait pu être un parti pris cinématographique intéressant mais dont les effets s’effacent confrontés aux autres choix de mise en scène. Les va-et-vient précipités d’Anna dans les parties vallonnées du parc, suivis par une caméra à l’épaule collée à l’actrice transmettent un tournis et un épuisement qui provoquent un malaise physique intéressant mais compromis par la place accordée à des dialogues de moindre qualité et à des scènes lourdes.
La gratuité des velléités perverses de Paranoia Park est telle qu’elle ne lève aucun trouble face aux images dont nous nous rendons spectateurs, ni aux actes de violence qu’elles impliquent tel que peut le provoquer Michael Haneke avec ses deux Funny Games (1997 et 2007, pour son remake américain). Les agressions ordonnées à Anna sont autant de missions qui rendent le film désagréable à regarder devant l’absence d’un regard porté sur ce jeu de Jacques a dit vulgaire.