Omar

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En dressant en pointillés le portrait de la résistance palestinienne, « Omar » est un magnifique film tant pour l’aventure du tournage que pour ses subtiles images.

Hany Abu-Assad est un réalisateur engagé, comme les personnages de son film Omar. Sur des plans différents, ils dévoilent la capacité de l’être humain à s’investir pour défendre une cause qui leur tient à cœur. Abu-Assad, Palestinien, s’implique pour faire parler de son pays et produire un « cinéma local ». Les locavores peuvent se réjouir : le film est 100% palestinien. À la manière d’un écologiste féru, Hany Abu-Assad a suivi sa logique jusqu’au bout : faire un film sur la Palestine, en Palestine, uniquement avec des Palestiniens, peu importe qu’ils aient déjà participé à une aventure cinématographique auparavant ou non. Rien que par cette préoccupation, Omar est déjà un film à part, et on se s’étonne pas qu’il ait reçu le Prix du Jury dans la section Un Certain Regard, à Cannes, en mai dernier.

Les personnages du film ont eux aussi une mission. Ils veulent libérer leur région, la Cisjordanie, de l’occupant israélien. Trois jeunes amis, Omar (Adam Bakri), Tarek (Eyad Hourani) et Amjad (Samer Bisharat), ont créé leur propre cellule de résistance et après quelques entraînements, passent à l’action. Mais Omar est vite capturé et conduit en prison. La violence quotidienne de l’occupant fait cette fois place à celle, plus brutale, cachée derrière des murs épais qui retiennent les cris des torturés. Les coups se répètent, les techniques pour le faire craquer, toujours plus pernicieuses, se multiplient. Après avoir tenu son silence face à ce déchaînement de violence physique et psychique, Omar finit par lâcher une unique phrase qui lui cause du tort. Il n’a plus d’autre choix que de laisser sa culpabilité être rachetée contre sa trahison. Il est relâché pour devenir un indicateur des Israéliens, mais entend profiter de sa liberté d’une autre manière, en gardant en tête son combat, et, surtout, son amour.

 

 

Car Omar est finalement un jeune homme comme les autres, dont le destin et les faits et gestes sont seulement dictés par sa situation géographique et l’occupation ennemie. Rendre visite à ses amis, aimer, des choses aussi simples deviennent compliquées lorsqu’il faut déjouer la surveillance des colons et franchir un haut mur qui sépare deux quartiers d’une même ville. Mais Omar est un rêveur, il pense pouvoir déjouer tout ça et se plaît à s’imaginer un futur paisible avec sa belle Nadia (Leem Lubany). Vivre une histoire d’amour idyllique est pourtant difficile, tant à cause des contraintes culturelles (Omar doit demander la main de Nadia) que des jalousies qui naissent (Nadia aime-t-elle aussi Amjad ?) ou des soupçons qui remplacent vite une confiance trop fragile pour durer dans ce contexte. Pourquoi Omar a-t-il été relâché ? Est-il passé du côté ennemi, a-t-il trahi les siens ? Les rumeurs vont bon train dans le village et bientôt, l’amitié qui liait les jeunes garçons, la tendresse initiale entre les deux amoureux, sont bousculées par le doute. Plus personne ne se fait confiance, tout le monde est soupçonné.

C’est en exposant les différentes facettes du genre humain que Hany Abu-Assad parvient à exporter son propos au-delà de ses frontières géographiques. Ses personnages sont en proie à leurs propres contradictions et font face à la complexité que la vie leur impose. Aucun d’entre eux n’est véritablement noir ou blanc. Le manichéisme est fort heureusement évité dans Omar, tout comme la propagande pour la cause palestinienne. Le réalisateur met surtout le doigt sur la difficulté d’avoir des relations saines et exemptes de toute suspicion. Ses protagonistes doivent toujours se prémunir, même contre leurs amis ou amoureux. Impossible de dire l’entière vérité à l’un d’entre eux, même par amour. Hany Abu-Assad scrute ainsi l’âme humaine et ses moindres mouvements avec de subtiles images, une superbe direction d’acteurs et des gros plans qui insistent sur les émotions du visage et les regards qui en disent long. L’un des derniers regards marque d’ailleurs particulièrement : Nadia, face caméra, nous fixe droit dans les yeux. Elle vient de dénouer la situation – nous aussi – mais il est trop tard. Regard fatal.

Titre original : Omar

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Durée : 97 mn


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