Octubre

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Prix du Jury un Certain Regard à Cannes, cette tragi-comédie péruvienne livre un Lima de marginaux à nos yeux attendris et croque avec grâce la solitude de l´être humain.

Prêteur sur gage, Clemente se serait trompé de prénom. Austère tendance mutique, abonné aux prostituées, la clémence n’est pas à proprement parler la caractéristique majeure de ce personnage des frères Daniel et Diego Vega… jusqu’à l’arrivée perturbatrice (salvatrice ?) d’un bébé – le sien – largué par sa prostituée de mère. Solide, le prêteur sur gage fait front et recrute temporairement une voisine, Sofia, pour s’occuper du mioche le temps de retrouver la génitrice. Toute aussi austère tendance mutique que Clemente, mais elle dévouée à Dieu, l’envahissante Sofia se consacre alors corps et âme à cet enfant tombé du ciel et au père de celui-ci.
Comme l’indique le Prix du Jury un Certain Regard qui lui a été décerné lors du dernier Festival de Cannes, Octubre n’est pas n’importe quel film. Plutôt le genre à laisser derrière lui des effluves, des couleurs, une atmosphère, un dépaysement peu communs. Un film suffisamment particulier pour que, sans même le porter aux nues, on ne puisse sincèrement le déconseiller. A cela plusieurs raisons. Premier long-métrage de ces deux frères péruviens, photographie christique, histoire peu banale… et galerie de personnages, hommes de peu de paroles et de peu de gestes, auxquels on s’attache irrémédiablement dans ce Lima en extrême transe religieuse, à l’heure de l’incontournable Fête du Seigneur des Miracles.

 

Et pourtant, ces personnages ont quelque chose d’irréel. Sans âge, sans passé, peu bavards, on serait tenté de les croire fictifs tant on sait peu de choses sur eux, juste ce que l’image inlassablement fixe veut bien nous montrer. Seule, quasiment, la Fête du Seigneur des miracles est sonore. L’appréhension de Sofia ou de Clemente passe ainsi par des personnifications. Au premier plan : un thermos de café, une bougie allumée, un lit défait. A l’image de la dévote Sofia et des icônes qu’elle vénère, on glisse doucement vers la contemplation. Et cela d’autant plus que la beauté des scènes qui se succèdent – de véritables tableaux christiques pour certains – peut offrir un brin de mysticisme au plus agnostique d’entre nous.

Et dans Octubre, le temps semble ne pas avoir de prise. Ce fameux mois d’octobre qui délimite l’intrigue mis à part, le temps qui passe dans le film est vague, incertain, indéfini ; ce flottement spirituel déjà induit par la fête religieuse et par ses personnages absorbés s’accentue. Le lieu de l’action reste le même, comme au théâtre. La maison de Clemente, le marché où se rend Sofia, l’hôpital de Don Vigo,sont explorés sous différentes coutures mais ne changent guère. C’est la permutation des plans d’une scène à l’autre, dans ces mêmes espaces, qui fait délicatement évoluer la trame.
Mais si le temps passe sans que l’on s’en aperçoive clairement, l’intrigue progresse et on ne peut que se rendre à l’évidence face au pouvoir du nouveau-né. Autour de ce bébé créateur de liens se réunissent des êtres esseulés. Il devient par là-même le symbole d’une certaine normalité sociale à portée de main pour ces marginaux, leur offrant une alternative : celle de s’insérer dans un pays dont les valeurs et les traditions sont lourdes de sens. La présence du bambin sert aussi les scènes cocasses. Voir Clemente le bourru aux prises avec une couche en plan fixe vaut son pesant d’alléluias. Amen !

 


Titre original : Octubre

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Durée : 80 mn


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