Nuit noire en Anatolie

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Une Anatolie ténébreuse et menaçante pour un peuple en danger

La nuit des nationalismes

Antigone d’Or au dernier festival CinéMed de Montpellier l’année dernière, le nouveau film d’Özcan Alper se penche sur l’état actuel de son pays, la Turquie, s’enlisant de plus en plus dans le racisme et le nationalisme. Même si cet état de fait se propage actuellement et rapidement au monde entier, il est vrai que c’est très inquiétant et les peuples, dans une sorte de sidération comme un cerf ébloui par les phares d’une voiture, se sentent à la fois impuissants et coupables dans l’impossibilité d’agir. Nuit noire en Anatolie raconte l’histoire d’un jeune homme, Ishak, qui revient dans le village de sa famille, au chevet de sa mère malade, et qui découvre l’hostilité des habitants envers lui qui ira jusqu’au bout d’une logique criminelle. 

En attendant les troubadours

En attendant son prochain film sur Netflix, Le festival des troubadours, filmé et monté, voici donc le quatrième long-métrage du réalisateur turc après Sonbahar en 2008 projeté dans plus de 60 festivals, puis Le Temps dure longtemps, son deuxième long-métrage en 2011, présenté en première au 36e Festival international du film de Toronto. Son troisième long métrage, Les mémoires du vent en 2014, a été soutenu par la Cinéfondation L’Atelier du Festival de Cannes et le Fonds Hubert Bals du Festival international du film de Rotterdam. Nuit noire en Anatolie, son quatrième film, a bénéficié du soutien du Fonds mondial du cinéma de la Berlinale et de l’Aide aux cinémas du monde (CNC) se présente comme un hommage à ceux qui, malgré tout, luttent et résistent à la triste réalité géopolitique qu’on nous impose. 

A partir d’histoires hélas vraies

En se basant sur des faits réels, tels que celui d’un journaliste violemment tué dans la rue au cours d’une bataille de boules de neige et celui d’un jeune étudiant parti travailler pendant l’été dans une ville connue pour ses inclinations nationalistes et qui a disparu mystérieusement malgré les recherches menées par son père sans aucune réaction au sein de la société. C’est de ce deuxième fait divers que s’est inspiré surtout Özcan Alper qui déclare dans le dossier de presse du film : « L’histoire du film se déroule parmi des gens ordinaires dans une petite ville de montagne les. J’ai vu de nombreuses photographies représentant un tel environnement sous de nombreux régimes autoritaires à travers le monde. Ce qui me motive principalement et me pousse à réaliser ce film, c’est le processus politique qui constitue l’arrière-plan de l’histoire. Avec ce film, j’essaie de montrer comment les désirs réprimés par la société, la sexualité non exprimée, peuvent créer un climat de peur et de violence. »

Ambiance de suspicion

C’est en effet tout le travail de ce film qui montre par petites touches une ambiance de suspicion et de méfiance qui entoure ce visiteur dont on découvre peu à peu à la fois la vie et les orientations jusqu’à une fin inattendue que nous ne dévoilerons pas. C’est d’autant plus triste et affligeant que tout le film présente une belle nature et de beaux paysage pour accentuer encore plus le malheur d’un pays où Mein Kampf est devenu un best-seller de librairie… Le tout avec la belle lumière du directeur de la photo Y. Roy Imer et magnifiquement interprété par Berkay Ateş dans le rôle principal.

Titre original : Karanlık Gece

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Durée : 114 mn


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