Ninja Turtles : Teenage Years

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Les ciné-hommages aux « eighties » : À quoi peut ressembler, en 2023, un film « Tortues Ninja » ?

Le film d’enfants pour ados et adultes : Un phénomène de mode ?

Ma croyance personnelle est comme suit : On peut faire un film de tout, mais pas avec n’importe qui. Et surtout : Pas n’importe comment. Si l’annonce d’un film Barbie peut prêter à rire, ce personnage à la plastique en toc et au sang pastel est une véritable icône de la pop-culture, une silhouette mondialement connue et profondément intégrée dans l’imaginaire d’enfants dont les tirelires réunies ont généré quelques ~1,5 milliard de dollars l’an passé. Le long-métrage, par ailleurs, a été un succès garanti avant même sa sortie, fort d’une campagne de promotion explosivement féminine. Mon argument, ici, est que le personnage de Barbie est une figure importante et évocatrice, qui méritait d’une adaptation qu’elle la prenne au sérieux. Mais le film satirique de Gerwig l’a-t-elle prise au sérieux ? Et la compagnie de jouets Mattel, donnant son feu vert à moult projets, dont un Polly Pocket par Lena Dunham et un Hot Wheels par J.J. Abrams, va-t-elle prendre au sérieux ses propriétés intellectuelles ?

Françoise Dolto ou autres, tout sociologue qui se respecte reconnaît l’importance du jouet pour l’enfant. Et tout spectateur qui a une bonne mémoire se souvient des sentiments enthousiasmants et balistiques, baroques et uniques qu’il avait en s’amusant avec les siens. Ils ne peuvent pas être dupliqués par des scripts Hollywoodiens qui ne sortent pas des clous. Puisqu’on est désormais dans un paysage cinématographique qui se propose de tout adapter en film, la question de comment bien adapter des jouets se pose ! Si on est amenés à subir ces projets, il ne faudrait pas qu’ils ressemblent aux scénarios-carcans de la mode actuelle, à savoir ceux des films de super-héros et de l’humour métatextuel. Il faudrait que ces films ressemblent réellement aux sensations que les plus jeunes ont en manipulant figurines et poupées – Et il faudrait trouver un moyen de traduire, avec le langage du cinéma, les histoires que se racontent les mômes à l’appui de ces objets d’apprentissage mimiques. Surtout, il faudrait que ces films honorent l’inventivité et l’étrangeté des petits spectateurs.

Produit par Seth Rogen, sans son mordant usuel

La franchise des Tortues Ninja (c’est bien d’elle qu’il s’agit aujourd’hui, avec la dernière adaptation animée en date – Ninja Turtles : Teenage Years) est à un endroit ingrat de cette question d’adaptation. Si elle provient d’abord d’un comic book des années 80, explicitement une parodie du super-héros Daredevil, elle est à mon opinion plus connue pour son esthétique « toyétique » et pour ses designs outrageusement commerciaux. Une bande dessinée, un dessin animé, une série de films live… La licence est à son plus lucratif, et à mon opinion, à son meilleur quand elle se fait empire du jouet et du produit dérivé. Elle est à son plus marquant quand elle génère à la pelle des panoplies de petits mutants horribles, ringards, punk-rocks et délicieusement marketables. Les Tortues Ninja n’ont pas besoin de récit en béton ni de dialogues en acier : Elles sont plus divertissantes quand leurs aventures nous invitent à passer du temps avec des créatures visqueuses et funs à suivre ! Leurs origines doivent tenir sur un timbre, sans quoi on perd la pureté de ces freaks qui n’ont ces apparences et ces pouvoirs que parce qu’ils doivent être amusants à acheter sous forme de jouets.

Teenage Years, ou, selon le sous-titre original, Mutant Mayhem, paraît proposer une adaptation noble et barrée des sensations nostalgiques propres aux Tortues Ninja. En effet, voyant sa galerie de personnages bigarrés, on a l’impression de retrouver des vieux copains immatures et destroys, d’autant plus que tous sont doublés par des acteurs comiques qui nous sont familiers (Rogen, Rose Byrne, Paul Rudd…)

Le style d’animation, clairement rendu possible par le succès de Spider-man : Into the Spider-verse (4 des 9 artistes de développement visuel font le pont entre les œuvres : Tiffany Lam, Yashar Kassai, Kellan Jett, Tony Ianiro) est, lui aussi, nostalgique. Les nuanceurs et les ombreurs ont l’air de travailler avec des marqueurs et des feutres. Certains effets de lumières et flous de mouvements ont l’air de ratures et de bavures, des couleurs qui dépassent les bordures des dessins. Surtout, les arrière-plans font la part belle aux tags écaillés, aux stickers décollés et aux affiches déchirées. L’esthétique est étincelante et ludique. Vidéoludique, même. Le but recherché est clairement celui du carnet de dessins ou de la custom entre potes. Un film tuné. L’animation, minutieuse, ambitieuse, est un régal à voir. C’est la partie la plus réussie du long-métrage.

Une bande-son quelconque de Trent Reznor et Atticus Ross

Une autre réussite du film : La distribution des 4 héros, des ados inconnus au bataillon (Micah Abbey, Shamon Brown, Nicolas Cantu, Brady Noon). Leur performance est rafraichissante et leur candeur, sincère. Ils aident beaucoup, par leur enthousiasme, à nous vendre le déficit d’attention du récit. L’œuvre, hélas, n’a pas que des qualités. Passée la surprise de les entendre, les célébrités au casting deviennent anecdotiques. Leurs personnages n’ont pas le temps d’être attachants : Le scénario fait l’erreur de trop prologuer sur la vie et le pathos des Tortues. Le script fonctionne mais il est trop classique : Il correspond plus à l’idée que se fait un adulte de la fiction pour enfant qu’à ce que les enfants ont réellement envie de voir. Les états d’âmes sur l’héroïsme sont vus et revus, la mythologie de ces ninjas, trop bien connue pour qu’on ait besoin de s’appesantir dessus (rappelons qu’un autre long-métrage d’animation, Rise of the Teenage Mutant Ninja Turtles, était sorti discrètement l’an dernier sur Netflix).

J’évoquais la notion de nostalgie : Plutôt que de l’être dans les sensibilités et les perceptions, le film le sera trop dans les détails et les références. Ce qui le distinguera de Into the Spider-verse et de sa suite, sera le fait que ces films appartiennent au présent, là où Teenage Years flatte le passé. Dans la bande-son de l’un : Des artistes très actuels ; des Offset et des Wizkid. Dans la bande-son de l’autre : Du rap boomer-isant, des morceaux éculés qui ne sont plus une prise de risque depuis fort longtemps (Ante Up et Shimmy Shimmy Ya). Pour Spider-man, l’artiste Post-Malone proposait un morceau neuf qui a fait la com’ du film ; pour Ninja Turtles, il a enregistré quelques répliques oubliables, qui tiennent plus du coup de coude connivent qu’autre chose. Teenage Years, est, par moments, un film dont on sait qu’il pourrait se déchainer, nous invitant dans sa transe ; Pour l’heure et en l’état, il sera limité par sa carapace, celle d’une œuvre qu’on fait regarder à ses gamins en espérant les faire autant aimer ces personnages que nous, à l’époque.

Titre original : Teenage Mutant Ninja Turtles: Mutant Mayhem

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Durée : 95 mn


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