C’est une légende ! Titre emblématique qui fit rêver toute une nouvelle vague, celle d’un groupe de godelureaux cinéphiles, amoureux de la vie sous toutes ses formes et pris d’une fièvre indescriptible pour cette œuvre filmique.
Monika sort sur les écrans parisiens en 1953. C’est un flop ! 5 ans plus tard, à l’occasion d’une rétrospective, on redécouvre Bergman et très logiquement, sa petite protégée, Monika. Dans Les Cahiers du cinéma, le jeune critique Jean-Luc Godard écrit ces quelques lignes lyriques : « Il faut avoir vu « Monika » rien que pour ces extraordinaires minutes où Harriet Andersson, avant de recoucher avec un type qu’elle avait plaqué, regarde fixement la caméra, ses yeux rieurs embués de désarroi, prenant le spectateur à témoin du mépris qu’elle a d’elle-même d’opter involontairement pour l’enfer contre le ciel. C’est le plan le plus triste de l’histoire du cinéma ». Le ton est donné, l’auteur suédois vient de forcer les fameuses portes de la nuit.
Oui, la tristesse de cette séquence finale est saisissante de beauté et de frayeur à la fois ! Oui, le regard fixe d’Harriet Andersson nous prend à la gorge quitte à nous asphyxier définitivement ! Bergman sauve les apparences avec cette histoire de bas-fond ou les jeux d’étés de ces amants joyeux finissent par être broyés dans la sempiternelle machine de guerre plus connue sous le nom de la…vie !
Cette œuvre légèrement teintée de réalisme poétique nous plonge dans les méandres d’un quotidien misérable, complexe et meurtrier. Celui de Monika, jeune fille des rues, qui le temps d’un été, rejoint Dame Nature, accompagnée de son amant, pour une virée érotique et magique. Ces quelques dizaines de minutes sont magnifiques ! Monika est le film des souvenirs, des sensations estivales où le baiser volé était de rigueur, où nos regards recherchaient la beauté parfaite, où nos gestes redevenaient exquis.
La réalité des sentiments est merveilleusement retranscrite sans pathos, ni d’alarmants clichés qui auraient pu nous lasser. Monika ne peut assumer son rôle de fille-mère car elle n’a jamais ressenti la moindre compassion maternelle. Pour qu’elle puisse exister, elle doit d’abord naître. Voyez ce corps qui prend position dans ces plans lunaires. Bergman filme une naissance, celle d’une fleur qui ouvre subtilement et délicatement ses pétales. L’intrusion d’un bébé transformera cette rose en un buisson d’orties qui piquera celui qui voudra s’en approcher.