Midnight Special

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Un film qui fait naviguer entre plaisir et déception, mais garde quasi intacte notre admiration pour Jeff Nichols.

Une amber alert en boucle sur les chaînes de télévision, un enfant disparu, un homme suspecté d’enlèvement. Sous un drap éclairé par une lampe torche, un petit garçon avec des lunettes bleues de natation se cache. Le petit garçon disparu. Un homme retire le drap et lui dit qu’il faut s’en aller. C’est l’homme suspecté d’enlèvement. Accompagnés d’un deuxième homme, Alton et Roy, le fils et le père, se lancent dans une échappée belle automobile, parce qu’il le faut. Dans le Ranch, hommes en chemises et femmes en robes informes et baskets eighties s’affolent suite à la disparition de leur sauveur, celui-là même que recherche également le FBI. Alton.
Le Midnight Special était un train de nuit qui passait devant une prison. La lampe à l’avant du train est devenue un symbole de liberté pour les prisonniers devant laquelle passait la locomotive ; ils espéraient voir la lumière s’infiltrer entre les barreaux, le signe d’une libération prochaine selon la légende. Alton serait pour certains ce Midnight Special.

Parler de ce film n’est pas chose aisée – cela ne tient pas à sa complexité, mais à notre propre indécision. Midnight Special est en efffet bien déconcertant : s’il fallait lui reconnaître un premier mérite, ce serait celui de créer un questionnement incessant quant à notre capacité d’analyse. Il suffit qu’un copain curieux s’enquière de la qualité du film pour que nous commencions à nous noyer dans un « oui mais enfin non, peut-être ». Réponse à la fois fine et argumentée que nous tenterons tout de même d’étoffer dans les lignes à suivre. Disons pour commencer que lorsque le film mise tout sur l’action pure, on s’emballe ; quand il s’aventure dans quelque chose de plus métaphorique, on tombe de haut. A propos de sa dernière réalisation, le cinéaste lui-même parle d’un « thriller surnaturel » allié à une « méditation métaphysique ». Super pour le premier, délicat pour le second.
 

Les précédents films de Jeff Nichols tenaient tous sur quelque chose d’assez ténu, sur la promesse (ou la crainte) d’un événement toujours annoncé et jamais advenu : la fin d’un monde dans Take Shelter (2011), une vendetta dans Shotgun Stories (2007) et le retour d’un amour perdu dans Mud (2013), dans des histoires le plus souvent portées par des fils et des pères (d’adoption ou de substitution). Ces personnages ne sont jamais de grands bavards, et il serait bien difficile d’écrire leur biographie ou de dresser leur profil psychologique. Midnight Special ne déroge pas à la règle. Sa plus grande réussite est de nous faire pénétrer dans l’histoire in medias res ; il nous embarque à bord de cette voiture lancée à toute vitesse et tous phares éteints, en pleine nuit, sur une route du Texas. La visibilité sur ce qui se trouve devant et derrière est quasi-nulle et il faut bien faire confiance au conducteur, le pied au plancher mais peu loquace. Face à l’inconnu que représente cette expédition nocturne, on commence à s’interroger mais c’est l’excitation qui prend le dessus. Jeff Nichols ne perd pas de moments en des discours frivoles car, comme disait Racine, il lui faut des actions et non pas des paroles. Aucune explication sur la naissance d’Alton, le couple que formaient ses parents, bref sur tout ce qui s’est passé quand nous n’étions pas là. Rien ne sera jamais fourni – du moins pas clairement. Ce qui compte se limite à ce que l’on voit : les conducteurs conduisent, les fuyards fuient et le FBI enquête, chaque personnage est défini par ce qu’il fait et dès qu’il n’est plus d’aucune utilité au récit, il disparaît sans autre forme de procès. Mais au fur et à mesure que la dimension de cette intrigue, originellement resserrée, s’étend de plus en plus loin,  l’intérêt, lui, se rétracte, car tout cela devient drôlement sérieux, tendance sermon sur la montagne.

Quand Nichols explique dans le dossier de presse que « le film aborde la question de savoir si on peut croire dans un phénomène qui nous échappe », il est évident qu’il parle moins des pouvoirs de l’enfant (vision en lens flare à la JJ Abrams et fréquence d’une super cibi) que de l’enfant lui-même. Forme de vie mystérieuse, l’enfant est cet être ingrat voué à faire sa vie loin de ses parents qui l’aiment mais qui ne le comprennent vraiment pas. Le réalisateur pousse très loin la parabole de l’envol hors du nid parental, le spectateur avec. Même si l’affiche proclame une filiation spielbergienne, apparemment incontournable dès qu’enfance et science-fiction se côtoient, force est d’avouer qu’il est difficile de comprendre où elle se cache. Avec sa frange brune, ses yeux bleus et sa mine un peu trop sérieuse pour un gamin de cet âge, Alton nous fait plus penser à Damien (La Malédiction, Don Taylor, 1978) qu’à Elliot ou Barry, les petits héros de E.T. (1982) et de Rencontres du Troisième type (1977). Le plus grand risque de la science-fiction serait de tomber dans la ringardise : malheureusement,  Midnight Special n’évite pas cet écueil dans un final un peu grandiloquent sans être une seule seconde impressionnant, ni émouvant.

Titre original : Midnight Special

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Durée : 101 mn


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