Marvel et Cinéma

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Contrairement au rival DC Comics, le parcours de la Marvel sur nos écrans ressemble plus à un long chemin de croix qui mène à la relative embellie actuelle.

Du serial à l’enfer de la télé

Dans sa première incarnation en tant que « Timely Comics, Marvel », le passage des héros Marvel au cinéma se fit par le serial. En pleine seconde guerre mondiale, c’est naturellement son personnage phare et patriotique Captain America qui a cet honneur, avec une adaptation de ses aventures en 1944. Celle-ci reste sans suite alors que, dans le même temps, la DC Comics triomphe avec ses Superman version dessin-animé, diffusés dans les salles, ainsi que les serials où le super-héros est incarné (entre autres) par Georges Reeves, réellement divertissants malgré le côté patriotique typique de l’époque.
Durant les années 50, la maison d’édition désormais rebaptisée Marvel délaisse les super héros au profit de la science-fiction, plus en vogue.

Les héros en collant font leur retour en 1961 avec le premier numéro des Quatre fantastiques. Sous l’impulsion de Stan Lee et d’une génération de dessinateurs surdoués, la Marvel réinvente le comics de super-héros à coup de héros torturés, fragiles psychologiquement et dont les questionnements les rapprochent du jeune public de lecteurs, au contraire des icônes telles que Superman. C’est l’arrivée des Hulk, Spider-Man, Iron-Man, cachant bien des fêlures sous le costume.

La série parodique de Batman cartonnant parallèlement, la télévision se penche bientôt également sur les héros Marvel. Hulk, Spider-Man ou les Quatre Fantastiques connaissent ainsi alors rapidement leur pendant animé. Hélas, des scénarii les destinant aux plus jeunes et une animation limitée rendent le tout assez indigeste… mais, par la force d’un générique culte, Spider-Man sera un grand succès.

A la fin des années 70, alors que s’annonce le triomphe du premier Superman de Richard Donner, les premières adaptations « live » arrivent, pour un résultat une nouvelle fois assez affligeant. Spider-Man devient une série télé policière lambda où, hormis son héros, les éléments du comics sont réduits au strict minimum. Le ridicule du costume et des actions de l’homme araignée fit pourtant largement douter d’une transposition honnête du super-héros en images réelles.

Totalement au abois, Marvel laissera même les Japonais livrer leur version de Spider-Man, avec une série orientée « super sentaï » (héros japonais en armure à la X-Or) bien éloignée du comics, mais dont le ridicule la rend bien plus amusante que son pendant américain. L’agilité et les pouvoirs du héros y sont d’ailleurs bien mieux exploités.

Grâce à l’interprétation habitée de Bill Bixby en David Banner, la série L’incroyable Hulk laissera un bien meilleur souvenir et durera 4 saisons. Les effets spéciaux à base de chemise qui se déchirent, pantalon et chaussurse qui craquent ainsi que la moumoute et la teinture verte qu’arbore le culturiste Lou Ferrigno conservent un certains charme kitsch. Les scénarios bien qu’éloigné du comics et orienté une nouvelle fois policier basique, sont assez prenant grâce au talent de Kenneth Johnson qui orchestre une habile relecture du Fugitif et qui partira en suite créer ce monument de SF télévisuelle qu’est le feuilleton V.

Du nanar au blockbuster

Dans la première moitié des 80’s, c’est la débandade pour les adaptations de comics. Pour un deuxième Superman correct mais loin de ce qu’il aurait pu être, les troisième et quatrième épisodes enfoncent la saga dans la médiocrité. Du côté de Marvel, c’est pire encore car si aucun projet ne voit le jour, certains chantiers en cours font peur au vu des initiateurs. Ainsi les patrons de la Cannon (firme à qui on doit des chefs-d’œuvre tels que Delta Force, Invasion USA, Portés Disparus et autres bêtises reaganienne de Chuck Norris) réussissent à obtenir les droits de Spider-Man et Joseph Zito (réalisateur d’une bonne partie des grands films précités) envisagé pour la réalisation. La faillite de la Cannon empêchera ce désastre annoncé de voir le jour, mais plongera les droits de Spider-Man dans un imbroglio juridique qui retardera longtemps la possibilité de voir le Tisseur au cinéma.

D’autres très mauvais films se chargeront en attendant d’entacher encore l’image des héros Marvel. Alors que le Batman de Tim Burton triomphe à travers le monde, Albert Pyun (ancien assistant de Kurosawa désormais abonné aux tournages de navets avec Christophe Lambert dans les pays de l’est) livre un Captain America de sinistre mémoire, au point de faire regretter la pourtant médiocre première version en téléfilm de 1979. Dans le même temps, c’est au tour du Punisher de sombrer, malgré un Dolph Lundgren taillé pour le rôle, même si le film demeure divertissant en comparaison de la version de 2004.

Hormis l’invisible Fantastic Four de Roger Corman (disparu de la circulation quand la Fox envisagea de produire son film) en 1994, les années suivantes sont une période de vache maigre pour Marvel sur grand écran. Si les nouvelles séries animées (entre autres X-Men, Iron Man et Spider-Man) sont plus satisfaisantes techniquement que leurs aînées, elles font pâle figure face aux créations de Bruce Timm, avec ses séries de Batman ou La Ligue de la justice (mettant en scène les grands héros DC Comics au sein d’une même équipe), grandes réussites du genre.

Il faudra attendre l’échec de Batman et Robin et l’enlisement du Superman Lives de Tim Burton pour que les studios daignent à nouveau s’intéresser à Marvel. C’est par l’intermédiaire d’un personnage de seconde zone, Blade, que viendra le salut. Hormis le principe de départ (un hybride vampire/humain black luttant contre ses semblables) le personnage est totalement réinventé pour le cinéma (exit les tenues flashy disco des 70’s et la coupe afro). Le charisme de Wesley Snipes, le brio de la réalisation de Stephen Norrigton, une ambiance techno/Goth/SM qui anticipe Matrix de un an et une scène d’ouverture inoubliable contribuent au grand succès de Blade et relancent définitivement la possibilité d’autres transpositions ciné. L’année suivante, c’est au tour du X-Men de Bryan Singer de triompher. La leçon de Blade a été retenue, les costumes criards originels sont remplacés par des uniformes noirs plus sobres. Les thèmes de la différence, l’exclusion et le spectre de l’holocauste se mariant idéalement avec l’univers de Singer, qui trouve en plus l’interprète idéal de Wolverine avec la révélation Hugh Jackman, le film est un succès. Il connaîtra deux suites, X-Men 2 toujours réalisé par Singer et pratiquement aussi bon que son prédécesseur et X-Men 3 qui, malgré le très mauvais Brett Ratner aux commandes (Singer étant parti réaliser Superman Returns), reste regardable grâce à l’équipe technique restée identique sur la franchise, en dépit d’incohérences et de fautes de goûts lamentables.

C’est un rêve de fan qui se réalise quand Spider-Man est confié à Sam Raimi en 2000 (après que Fincher, Chris Colombus et quelques autres aient été envisagés). Même si on regrette toujours de ne pas savoir ce que James Cameron (qui devait le mettre en scène dans les 90’s avec Schwarzenegger en Octopus et dont certaines idées, comme la toile organique, ont été conservées) en aurait fait, le résultat est à placer parmi les grandes réussites du genre. Raimi parvient à saisir toute l’essence du personnage, tout en rendant possibles ses acrobaties grâce aux progrès des effets spéciaux. Le film fait un carton historique, Raimi fera mieux encore avec le deuxième volet, véritable chef d’œuvre et, en dépit d’un Spider-Man 3 décevant, la suite annoncée éveille une forte attente.

Pour le reste, c’est une vraie déferlante dans les années 2000, Marvel damant le pion au rival DC (jusqu’au carton de Batman Begins et The Dark Knight) avec des films où le pire côtoie le meilleur. Le studio Fox vit une de ses pires périodes ces 10 dernières années, reflétées par de pitoyables Daredevil, Fantastic Four et Ghost Rider qui , au-delà même de leurs infidélités au matériau d’origine, n’arrivent même pas à un minimum satisfaisant pour l’amateur de grand spectacle (voir la conclusion ridicule du film de Tim Story). Elektra (spin off de Daredevil ) ayant au moins le mérite d’être correctement emballé par Rob Bowman.

Hulk de Ang Lee, sorti en 2003, n’est pas totalement satisfaisant, en raison de choix douteux (les caniches aux rayons gamma, Hulk pataud aux allures de David Douillet) mais sort le genre de sa routine. Une narration audacieuse, des éléments de psychanalyse et sa construction de tragédie shakespearienne en font un véritable ovni. Son échec commercial sonne cependant le glas de ce type d’approche plus auteurisante du film de super héros.

En 2005, Marvel fonde son propre studio de production pour gérer au mieux le destin de ses personnages en salle. Si l’on n’aura désormais plus de chefs-d’œuvre, la faute à une production industrielle contrôlée de près, le quota de divertissement est parfaitement rempli désormais. Iron Man, première production chapeautée par Marvel à voir le jour, est un excellent blockbuster, drôle, rythmé et porté par un Robert Downey Jr. débordant de charisme. Un ton en dessous, Hulk de Louis Leterrier, moins aventureux que le film de Ang Lee, est aussi un produit solide et haletant, avec une orientation mixant le comics et la série télé.

Suivant désormais la même continuité et le même type d’univers étendu que les comics, les futures productions Marvel ont pour but de présenter à travers plusieurs films les futurs membres de l’équipe des Vengeurs, pour un grand film mettant en scène la fameuse équipe de super-héros. Un nouveau Captain America (enfin un bon film peut être) devrait arriver et, s’il retrouve les accents de son flamboyant Frankenstein, le Thor de Kenneth Branagh pourrait bien réussir là où Ang Lee a échoué. Marvel au cinéma, malgré des hauts et des bas, c’est une histoire loin d’être finie
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