Malcolm

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<< Si quelqu´un envoie un SMS pendant ce film, vous êtes autorisés à lui taper sur la tête jusqu´à ce qu´elle soit réduite en bouillie. >>

Cette phrase placée en exergue du premier long métrage d’Ashley Cahill donne le ton du film. L’heure de la revanche sur un monde en perdition a sonné pour Malcom, jeune Anglais vivant à New York et ne supportant pas la déchéance de la ville. Parce que c’était mieux avant, au bon vieux temps des années 1960-70 qu’il n’a pas connues. Le film est d’ailleurs dédié au cinéaste Sam Fuller et s’essaye à la rencontre hasardeuse entre le Charles Bronson de Un justicier dans la ville (Michael Winner, 1974) et le Malcom McDowell de Orange Mécanique (Stanley Kubrick, 1971) auquel le personnage doit son nom. La ville est pleine d’immondices, il faut la nettoyer de manière radicale et violente : éradiquer le mal supposé d’une ville qu’on aseptise de plus en plus. Malcom débarque dans les appartements et en dézingue les habitants avec une variété de techniques impressionnante.

Sur la même pente que le douteux God Bless America (Bob Goldthwait) sorti il y a quelques mois, Malcom a l’intelligence de ne pas se laisser séduire par son personnage. God Bless America jouissait sans recul et sans complexe de l’attitude de ses deux héros « justiciers ». Malcom est plus fin et parvient à installer la distance nécessaire pour éviter l’identification primaire par un dispositif simple, mais diablement efficace : Malcom, notre justicier pédant et névrosé, est le sujet d’un documentaire et donc continuellement suivi par une caméra. Les images qu’on voit dans le film sont les rushes d’un documentaire à venir. L’astuce technique au départ – le procédé permet à Cahill de tourner son film avec un budget très serré – devient l’atout majeur de Malcom en plaçant directement le spectateur dans l’observation, faisant du personnage un (dangereux) sujet d’étude. Cadre branlant, jump cuts, interviews, impression de direct… toute l’esthétique du faux film amateur caméra à l’épaule, du film-journal fait fiction – véritable genre relancé avec Le Projet Blair Witch (Daniel Myrick et Eduardo Sánchez, 1999) et qui a fait bien des émules depuis de Cloverfield (Matt Reeves, 2008) au superbe Chronicle (Josh Trank) l’an passé – est présente.

Mieux, cela permet à Malcom de théoriser sa pratique. Car voyez-vous, c’est au meurtrier philosophe (« Il faut être philosophe pour tuer les gens. ») qu’on a affaire, à un utopiste qui veut restaurer la grandeur passée de la ville, voire de la civilisation vu l’emphase qu’il emploie. Enième avatar de V pour Vendetta et des Indignés, il aspire par ses actes à opérer un changement social, être l’initiateur d’un mouvement plus large, désir qu’il ne peut évidemment pas maîtriser, ce que le film montre avec une logique un poil trop racoleuse. Ce que le dispositif crée surtout, ce sont les conditions de sa propre observation. La pseudo-neutralité objective du tournage documentaire est ainsi mise à mal par l’humour du film et le cynisme du personnage et de l’équipe de tournage que la violence de plus en plus extrême des crimes de Malcom ne semble pas gêner. Réalisatrice et cameraman n’interviennent que lorsque Malcom est dans le doute, menaçant le documentaire de n’être plus suffisamment sensationnaliste. C’est lorsque le film dévie de son propos initial pour s’auto-questionner qu’il devient réellement intéressant, et farouchement drôle.

Titre original : Malcolm

Réalisateur :

Acteurs : ,

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Durée : 96 mn


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