Love Is All You Need raconte la collision entre Philip (Pierce Brosnan), veuf britannique quinqua encore séduisant, resté au Danemark après la mort de sa femme, et Ida (Trine Dyrholm), coiffeuse danoise qui sort tout juste de chimio et que son mari quitte pour une secrétaire aussi jeune que pouffiasse. Philip a un fils, Patrick ; Ida une fille, Astrid : il se trouve que Patrick et Astrid se marient (trop vite, ils se connaissent depuis trois mois), et que Philip et Ida vont apprendre à se connaître au cours des noces, célébrées dans le sud de l’Italie, dans une grande maison délabrée dont Philip n’a jamais eu le cœur de se détacher. Au dernier festival de Toronto, Susanne Bier confiait au Hollywood Reporter que c’était son film « le plus controversé à ce jour ». « Je me suis dit : certaines personnes vont me tuer pour ce film. » C’est vrai, on ne l’attendait pas tellement dans ce mélange de Mamma Mia ! ((Phyllida Lloyd, 2008) à la sauce Festen (Thomas Vinterberg, 1998), qui pourrait ravir aussi bien les fans de Another Happy Day (Sam Levinson) que les amateurs de Nancy Meyers. Heureusement, Susanne Bier n’est pas Nancy Meyers, son film loin d’être inintéressant. Mais audacieux ?

Sur le site officiel danois du film, on peut lire en exergue de la page de présentation de la cinéaste : « Mon premier boulot en tant que réalisatrice est de ne pas faire un film ennuyeux. Je ne vois pas de conflit entre art et commerce, mais j’en vois un entre ennui et commerce ». La formule est honnête, et convient bien à la filmographie de Susanne Bier, qui avait jusque-là réussi l’alchimie de manière assez exemplaire, livrant une sorte de cinéma d’art et essai grand public (Brothers notamment, qui mêlait dilemmes sentimentaux et critique de la guerre en Afghanistan). Love Is All You Need, lui, prend bien soin de reprendre à la lettre tous les codes de la comédie romantique (le choc littéral du début, les personnages brisés qui reprennent goût à la vie, les actes manqués avant la rencontre inévitable) tout en gardant une volonté d’aller au-delà, d’offrir mieux qu’un simple divertissement. C’est son problème : si le film de Susanne Bier restait dans les clous, dans ce qu’il est à première vue (une rom-com transnationale aux accents d’oliviers et de couchers de soleil italiens), il s’apprécierait comme tel. Au lieu de quoi il reste tout du long coincé entre ses aspirations auteuristes et un déroulé convenu.
Il n’y a qu’à voir la scène du dîner de répétition, quand la belle-soeur de Philip, Benedikte (géniale Paprika Steen), coutumière des situations embarrassantes, entame un discours qui met tout le monde très mal à l’aise, détaillant les désordres alimentaires de sa fille et le béguin qu’elle a depuis toujours pour son beau-frère. La séquence aurait pu jeter le trouble ; elle s’arrête juste avant que le film ne devienne intéressant, soucieuse de ne trop froisser les consciences. On peut appuyer là où ça fait mal, mais pas faire trop mal. Idem quand la même belle-soeur déclare à Ida qu’elle adore ses cheveux. « C’est une perruque », répond-t-elle. Irruption du cancer, retour du drame au sein de la comédie, Benedikte éclate de rire : ce n’est ni très drôle, ni très irrévérencieux, juste un peu à côté. Love Is All You Need est comme ça, ni honteux ni désagréable à suivre, ménage des moments réussis de pure comédie. Mais donne l’étrange impression de ne pas savoir sur quel pied danser, comme si Susanne Bier n’avait pas osé y aller franc jeu, résultant en un film d’entre-deux pas du tout détestable mais finalement assez vain.