L’Irlandais

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Curieuse balade irlandaise, le premier long-métrage de John Michael McDonagh mêle humour noir et mélancolie avec une certaine habileté.

Pas la peine de connaïtre le lien de parenté entre John Michael et Martin McDonagh pour remarquer que leurs deux premiers long-métrages, L’Irlandais et Bons Baisers de Bruges, se ressemblent étrangement. A quoi cela tient-il ? A leur dimension atemporelle et hors-du-commun ? A leur obsession pour la drogue et la prostitution ? Au couple de personnages antagonistes qu’ils mettent en scène ? Une chose est sûre, L’Irlandais, tout comme Bons Baisers de Bruges, est un film à nul autre pareil.

Dans un petit village de la côte irlandaise, le sergent Gerry Boyle (Brendan Gleeson) partage ses journées entre la Guinness, sa mère malade, la poésie et les prostituées. Flic solitaire et flegmatique, il se contente de faire régner la loi dans le pub local, sans se préoccuper de son emploi du temps désespérément vide. Malheureusement pour lui, une bande de trafiquants de cocaïne décide de s’installer dans la région, et Boyle doit désormais se coltiner l’agent du FBI Wendell Everett, envoyé sur place pour mener une vaste opération anti-drogue.


 
C’est au coeur d’un site étrange et rarement vu au cinéma, le Connemara, que se déroule cette improbable enquête policière. Tout comme son frère Martin, qui avait été séduit par l’atmosphère gothique de Bruges, John Michael McDonagh privilégie un décor atypique, d’une grande richesse esthétique. L’Irlandais est une œuvre décalée, à l’opposé des grandes productions actuelles. Costumes bariolés, personnages loufoques et paysages grandioses confèrent à ce long-métrage un petit côté « hors-du-temps » et une touche de poésie. Le réalisateur prend aussi plaisir à jongler avec les références et à transposer les codes du western dans la bourgade irlandaise : au cœur de ce nouveau Far West, bandits sans foi ni loi et justiciers incorruptibles s’affrontent dans des duels sans merci.

Le duo formé par Brendan Gleeson, plouc irlandais bedonnant et politiquement incorrect, et Don Cheadle, agent du FBI zélé et très pro, s’avère particulièrement efficace. Leurs incessantes joutes verbales, jouissives au possible, sont à l’origine de plusieurs scènes amusantes, dont celle où Boyle refuse de voir les photos de famille de son coéquipier sous prétexte que les bébés sont « tous pareils, sauf les moches ». Avec leur accent à couper au couteau et leur dégaine improbable, les personnages secondaires sont également étonnants : le gamin toqué qui ère dans le village et le chef de la police locale (qui se demande si « liquider quelqu’un », ça veut dire le transformer en liquide) contribuent à rendre cette comédie franchement irrésistible.
 

Le film et son protagoniste ne dissimuleraient-ils pas leur véritable nature ? Le policier bourru et bourré de préjugés finit par abandonner sa carapace pour se révéler aussi intègre qu’altruiste. Au cours de sa dernière apparition – dans une scène quasi-apocalyptique – il se métamorphose même en Trompe-la-Mort idéaliste, prêt à tout pour faire régner la justice. De même, L’Irlandais n’est pas une simple comédie policière bien ficelée, mais un condensé d’humour noir sur lequel souffle un petit vent de mélancolie. Un premier film singulier et plaisant. 
 

Titre original : The Guard

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Durée : 96 mn


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