Liberté, mon amour (Libera, amore mio…, 1973)

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Pour lutter contre les fascistes Mauro Bolognini déguise Claudia Cardinale en petit soldat.

Aux premiers instants des « années de plomb », comme réponse au terrorisme et à la nostalgie de certains pour le régime fasciste, Mauro Bolognini donne à une anarchiste de l’Italie mussolinienne le visage de Claudia Cardinale. La belle va hurler sur les Chemises noires, rendre chèvre son peureux de mari et bien entendu brûler la pellicule à grand coup de robe rouge moulante. De son titre jusqu’au nom de son personnage principal – Libera Amore Anarchia – le film de Mauro Bolognini semble très souvent empêtré dans ses intentions initiales comme s’il ne pouvait jamais sortir du chemin qu’il s’était promis d’emprunter au départ : il faut montrer les horreurs du fascisme pour qu’il ne revienne jamais ; il faut montrer le beau visage de la liberté pour qu’elle reste toujours. Du début des années 1930 à la fin de la Seconde Guerre mondiale le cinéaste va faire vivre son film entre la réalité historique de son époque et les images encore bien vivantes d’une autre pas si lointaine où ses compatriotes s’entretuaient. L’anarchiste est plus belle que jamais, l’Italie d’avant la Seconde Guerre mondiale parfaitement reconstruite mais étonnement rien ne semble tenir debout. On sent que le plus petit tremblement de terre ferait tout s’écrouler car rarement tout ça n’a autant ressemblé à du cinéma.
 
 

 
 
Dès le générique d’introduction passé on comprend qu’absolument tout Liberté, mon amour reposera sur les épaules de Claudia Cardinale. Le cinéaste ne l’a quitte à aucun moment et dans sa première partie, alors que Libera Amore Anarchia regarde l’Italie entière se traîner à ses pieds, le film avance à toute allure. Le mari à la traîne (Bruno Cirino) ne peut ni suivre sa femme ni la contenir. Elle insulte tout ce qui bouge autour d’elle car au contraire de ceux qui l’entoure elle seule est libre, elle seule parle vraiment à ses enfants, elle seule porte cette belle robe rouge. La première partie du film, très réussie, a sur le même sujet plus de la comédie grinçante d’un Dino Risi (La Marche sur Rome, 1962) que du Jardin des Finzi Contini (1970) de Vittorio De Sica ou de 1900 (1976) de Bernardo Bertolucci. En lâchant son actrice déchaînée dans un bal rempli de fascistes et de sympathisants au régime, en la confrontant avec d’autres femmes de son âge n’ayant pas les mêmes priorités qu’elle – cuisine, enfants, mari – Mauro Bolognini donne à Claudia Cardinale un rôle qu’elle a rarement tenu à l’écran. Les petits regards et les grands sourires amoureux sont toujours là mais l’actrice a dans le film plus de la tornade que de la douce épouse attentionnée. Pourtant, si le mari ne cesse de s’accrocher à elle c’est que l’Italie qu’a reconstruite Mauro Bolognini dans la première heure de son film ne semble être là que pour eux deux. En aimant assez fort sa femme le grand naïf de mari pense combattre les fascistes à sa manière. Il pense comme un trouillard ou comme un homme amoureux que lutter de cette façon-là, que continuer à vivre est bien suffisant. Il a sans doute tort mais malheureusement Libera Amore Anarchia et Mauro Bolognini s’en sont rendus compte. 
  
 

 
 
Là où la première heure de Liberté, mon amour survivait par la farce et son couple mal assorti, la seconde va essayer de rattraper ses intentions initiales – filmer la lutte active contre le fascisme – de peur du hors-sujet. Le cinéaste avait ouvert son film en créant devant nous une ville, une époque, des personnages essayant d’y d’exister autant qu’ils le pouvaient et pourtant ce n’était apparemment pas encore suffisant : il fallait aussi jouer à la guerre. Plus le temps passe alors et plus les déguisements – ceux des fascistes, des rebelles, des nazis – se font visibles et grotesques ; plus les scènes d’actions se font grossières et détachées du film. Voir ainsi Claudia Cardinale déguisée en maquisarde cachée dans une botte de paille après avoir détruit un pont nous emmène très loin de ce qu’était le film jusqu’ici. Dès lors que Liberté, mon amour prend son air sérieux tout s’écroule et on cesse de croire à la grande Histoire qu’on nous raconte. Tristement, plus le cinéaste semble s’appliquer, plus il nous perd. Quand le film se termine avec la fin de la guerre, Mauro Bolognini a beau nous montrer d’anciens fascistes devenus des administrateurs prêts à reconstruire le pays, les ruines que l’on voit sur le sol ne sont que de vieux décors de cinéma qu’un simple coup de balai suffirait à faire disparaître. Claudia Cardinale se démène mais elle ne peut plus rien faire : l’Italie mussolinienne n’est devenue que carton-pâte inoffensif.

Titre original : Libera, amore mio

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Durée : 110 mn


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