L’Histoire d’une mère

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Ce film où les petites choses prennent une grande importance nous en conte de bien belles.

Il était une fois une jeune femme qui vivait avec son petit garçon mutique et sa grand-mère dans une vieille ferme au milieu des bois. Elle était noire de cheveux comme le bois d’ébène et blanche comme la neige, et Neige fut peut-être son nom à cause de cela. Le soir venu, après avoir lu une histoire au petit Louis, elle cousait des nappes avec la vieille Héloïse – qu’en ville d’aucuns disaient sorcière. De l’autre côté des bois se trouvait le château du maire dont le fils était de retour pour célébrer son prochain mariage. Par vengeance ou par provocation, Neige était bien décidée à s’inviter au bal sans se douter des conséquences de son escapade nocturne, bien plus douloureuses que la perte d’une pantoufle de verre.

 

Mélange des genres

Titre du film, L’Histoire d’une mère est d’abord celui d’un conte peu connu d’Andersen dont la réalisatrice Sandrine Veysset s’est inspirée pour écrire le scénario. L’histoire d’une mère qui ouvre sa porte à la Mort, laquelle s’en retourne dans la nuit, laissant derrière elle un berceau vide. Au terme d’une quête qui la voit sacrifier jusqu’à la prunelle de ses yeux, la Mère fait de nouveau face à la Mort, avec l’espoir d’infléchir l’Incorruptible. Si la figure de la mère était omniprésente dans la filmographie de la cinéaste, la mort de l’enfant restait jusqu’à maintenant ce continent noir inexploré. Pour finalement l’aborder, le scénario originel s’éclatait en trois récits, puis en deux à l’arrivée tressés en une seule histoire où s’entrelacent le fantastique, l’illustration du conte d’Andersen et le réalisme – le quotidien des personnages. Le rêve et la réalité se mélangent à mesure que la frontière qui les sépare se floute jusqu’à se changer en un espace poreux où le début de l’un se confond avec la fin de l’autre ; comme si l’action se passait simultanément sur deux plans différents. Si le conte que Neige lit à Louis – qui n’est autre que L’Histoire d’une mère – sert un temps de passeur entre ces deux rives, très vite la traversée n’a plus besoin d’intercesseur pour être entreprise. Et l’on ne sait plus si Neige est le songe de la Mère ou si c’est la Mère qui se rêve en Neige.

Le monde inversé

L’Histoire d’une mère
reprend à son compte la portée symbolique du monde d’Andersen. Les personnages ont une identité double, ce qu’ils sont et ce qu’ils signifient puisque dans un conte, tout fait sens. Louis, par exemple, est un enfant muet : il est donc le mystère insondable de l’enfance. La réalisatrice va au bout de cette logique de correspondances en dédoublant réellement chaque protagoniste qui joue leur envers et leur endroit ; la Mère a les traits de Neige, la Nuit ceux de la grand-mère et la Mort ceux de la mère disparue. Chacune de ces trois femmes incarnent dans le monde inversé – celui du conte – une figure du deuil. Chacune est mère et chacune avec le bonheur d’avoir un enfant a reçu en même temps l’angoisse de le savoir mortel sans pouvoir rien y changer. Entre Neige et Héloïse, c’est l’absence qui s’est glissée, mère de l’une et fille de l’autre. On ne saura rien de la défunte, juste une photographie en noir et blanc sur une table de chevet. La vie en autarcie a peuplé la grande ferme de non-dits, de deuils inachevés et de tristesses tues ; autant peut-être que d’affections qui se montrent plus qu’elles ne s’expriment.

Tout ceci a la simplicité des leçons de choses que Neige enseigne à Louis. Un principe consistant à partir d’un objet concret pour faire acquérir à l’enfant une idée abstraite ; soit le principe du conte et la réussite du film et de ses actrices.

Titre original : L'Histoire d'une mère

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Durée : 83 mn


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