« C’est quoi le Western ? Des Cow-boys,. Des Indiens. De l’eau-de feu. Des armes. Des bisons. Des brigands. Un shérif. Des chevaux. Des embuscades. Une femme qui se distingue des autres. Un justicier… Mais surtout, une histoire. Une bonne histoire. » Quelle belle description que celle proposée par François Cérésa, dans Total Western*, sa passionnante balade cinéphilique au cœur de ce genre mythifiant que les moins de vingt-ans …. Riche de tous ses ingrédients, le coffret 7 westerns d’ Éléphant Films nous présente de beaux exemples de la richesse et des évolutions d’un pan cinématographique qui a grandement contribué au rêve américain. , Et, par-dessus tout, nous offre ce que le cinéma d’aujourd’hui néglige ostensiblement : l’occasion de nous évader et faire le plein de sensations simples mais fortes.
Les Tuniques écarlates(1940)/ Les conquérants du nouveau monde (1947) : Cécil B.DeMille
Cécile B.DeMille a tellement été célébré pour ses films bibliques (Les Dix commandements, Le Roi des rois…), qu’on en n’oublierait presque la richesse de sa palette, et plus particulièrement ses plongées dans l’histoire de l’ouest. Les deux titres du coffret reviennent sur des événements peu relatés par ailleurs. La traite d’esclaves blancs envoyés d’Angleterre dans Les conquérants du nouveau monde, et les révoltes des métis canadiens dans Les tuniques écarlates. Des œuvres à caractère historique où l’on retrouve l’un des plus populaires et emblématiques Cow-Boys hollywoodiens Gary Cooper. Dans la lignée de ses personnages de Capra et Lubitsch il joue plus de sa gaucherie et de, naïveté que de ses colts Dans les tuniques écarlates. Tandis que dans le plus ambitieux Les conquérants du nouveau monde, sa prestance, son autorité et son sens moral font merveille. Paulette Godard accompagne à deux reprises les héros, en indienne pour Les tuniques écarlates où elle côtoie la magnifique Madeleine Carroll ,puis en esclave dans Les conquérants du nouveau monde. dans lequel Boris Karloff campe un curieux chef indien – dans une vision simpliste de cette ethnie. Deux grands spectacles haletants, et drôles par moments, auquel s’ajoute le plaisir des yeux : le charme des procédés de technicolor, en pleine évolution durant les années quarante.
Sur le territoire des comanches (Gerorge Sherman, 1950)
James Bowie, l’homme qui a popularisé le célèbre couteau éponyme, est missionné par le président des États-Unis pour veiller à la bonne transmission d’un traité de pays aux indiens. La découverte d’un gisement d’argent sur le territoire concerné vont contredire ses plans. Série B, qui doit son charme à l’abattage de Maureen O’Hara plus qu’à son intrigue et ses enjeux historiques et psychologiques. L’occasion également de se remémorer la belle stature de Macdonald Carey, acteur prolifique quelque peu oublié. George Sherman mène sa barque sans sans prouesses, mais avec autant d’aisance dans la comédie que dans l’action.
Sans peur, sans pitié (Lima Baretto, 1953).
Par amour, Teodoro libère une belle instructrice que sa redoutable bande de Cangaceiros a pris en otage. Trois directions sont empruntées par Sans peur, sans pitié. La première partie, quasi documentaire sur la misère dans laquelle doivent se débattre les misérables paysans brésiliens, avec pour conséquence, la prolifération de bandits nomades. Sans foi mais pas sans empathie pour les plus démunis, les les cangaceiros ont tenté d’imposer leur loi dans grands espaces brésiliens oubliés du pouvoir politique. Ici, Lima Barreto dresse un portrait sans concession d’une horde sauvage dirigée par un chef tyrannique. La deuxième partie, la grande évasion, se mue en une histoire d’amour où le romantisme n’hésite pas à flirter avec le mélo. Et, enfin, le finale, une tragédie Cornélienne, teintée d’une étrange spiritualité. Moins alambiqué que les paraboles d’un Glauber Rocha ( Le Dieu noir et le Diable blond, Antonio Da Mortes) cette chevauchée vers l’enfer possède un souffle encore vivace aujourd’hui.
Le survivant des monts lointains (James Nelson, 1957)
Grant McLaine (James Stewart) est rappelé par la compagnie de chemins de fer, son ancien patron, qui l’avait pourtant licencié, pour protéger la paye des employés. Si les scènes d’action et les rebondissements ne sortent pas du train-train habituel de ce type de récit, la nature des personnages principaux donne tout sens et son intérêt à cette aventure. Tourmenté par des dilemmes moraux, James Stewart trouve un nouveau rôle de cow-boy atypique et profondément humain qu’ Anthony Mann, qui a refusé de tourner ce film, avait fait éclore au cours de leur cinq westerns. Face à lui, Audie Murphy, héros dans la vie, cumulant les décorations militaires durant la seconde guerre mondiale, « Bad Guy »aussi tourmenté que ténébreux à l’écran. L’affrontement des deux hommes, des deux modes de survie, du Bien et du Mal, dans l’ouest montent en puissance jusqu’au palpitant final.
L’homme de la sierra (Sydney J. Furie,1966).
Après avoir mené sans vie sans hésiter à en écourter un certain nombre d’autres, Matt Fletcher (Marlon Brando) décide de sédentariser en s’associant avec son ami d’enfance dans un projet de ranch. Le vol de son magnifique Appaloosa par Chuy Medina (John Saxon), un bandit mexicain sans vergogne, va le contraindre à se faire justice lui-même. Tourné au milieu des années soixante, L’homme de la sierra est visiblement influencé par le succès récent du western européen. Le scénario se souciant peu de la minceur de l’argument, réappropriation/ vengeance, et de l’itération des rebondissements, dans le seul but de multiplier les confrontations entre les deux « hombre ». Tandis que sur le plan esthétique, les gros plans et les angles de prise de vue ne se gênent pas – surtout au début – de souligner la crasse, celle de Brando, et l’ignominie des muchachos ricanants. La nonchalance d’un Brando bedonnant et parlant encore dans sa barbe – plus que dans ses premiers films – même une fois rasée de près, ravira les aficionados de la star. John Saxon en méchant à la magnanimité étonnante s’amuse beaucoup, lui aussi. Par simple curiosité, on peut se laisser tenter par un petit détour dans la sierra.
Fureur Apache (Robert Aldrich, 1972)
Pour rattraper le chef apache Ulzana qui s’est enfui de sa réserve, l’armée américaine organise une expédition qui repose en grande partie sur l’expérience de l’éclaireur McIntosh (Burt Lancaster) et d’un pisteur apache. Dans Bronco apache ( 1954), Aldrich et Lancaster avait déjà abordé les violences réciproques liées à la phase « de pacification » entre les deux peuples. La lueur d’espoir qui concluait ce premier tableau a quitté l’univers d’Aldrich au milieu des années soixante-dix. Par l’entremise d’un Burt Lancaster droit dans ses bottes et sans aspirations moralisatrice, est délivré un constat d’une radicalité qui ne masque pas ses mots : « Le premier qui fait une erreur creuse sa tombe ». La barbarie fait partie intégrante de la nature humaine, quel que soit le côté où l’on se trouve. La mise en scène d’Aldrich est au diapason : d’une sécheresse et d’un minimalisme remarquables. Le talent d’Aldrich s’apprécie d’autant mieux à l’aune d’œuvres aux ambitions similaires. Dans le cas présent, le Geronimo de Walter Hill (1993) fait bien pâle figure malgré la présence d’un excellent Robert Duvall dans un rôle identique à celui de Burt Lancaster. Le réalisme nihiliste d’ Aldrich pour un cri de fureur salutaire. Le chef d’œuvre de ce coffret.
*Total Western, François Cérésa. Editions Séguier. Mai 2024. Nostalgie d’une époque, d’un cinéma grandeur nature, mine d’or pour les fans de Western. Un livre à découvrir.