Cette idée étrange est à la base du roman de Carter Smith, qui s’est chargé lui-même d’adapter son récit pour l’écran. Moins porté sur la psychologie, sur l’attente et la sensation d’étouffement, Les Ruines – le film peine à trouver son rythme, malgré les bonnes idées relatives au modus operandi de la dite plante. Il ne faudra pas longtemps en effet aux cinq personnages coincés en haut de la pyramide pour être envahis par des tiges très entreprenantes, morts de faim et de soif, et gagnés par la folie. Dans un tel schéma narratif, où le final s’entrevoit presque une heure à l’avance, c’est l’interaction entre les personnages qui devrait impulser de l’énergie à chaque séquence. Or, on se contrefout un peu du sort de ces énervants petits touristes, aux préoccupations décalées dans un tel moment (et si mon copain me trompait ? et pourquoi j’ai pas été accepté en école de médecine ?) et à la naïveté presque surréaliste (le héros incarné par Jonathan Tucker se dit à un moment persuadé « que des touristes américains, ça ne disparaît pas comme ça »…).
Point de suspense à la John Carpenter ici, point de plaisir dans l’attente d’un événement horrible, alors que l’invasion du corps, thème majeur du fantastique, magistralement abordé avec The Thing entre autres, pouvait donner de l’ampleur au récit. Mais plutôt l’ennui, qui s’installe à chaque fois que la fougère du diable est absente de l’écran. Ses habitudes carnivores sont tout de même à l’origine de quelques séquences marquantes, bien dans la tradition gore et graphique amenée par les succès des Saw et Hostel. L’opération des jambes et les incisions à base de couteau rouillé feront peut-être trembler les plus sensibles. De ce côté-là, les effets spéciaux, confiés pour la plupart à Patrick Tatopoulos, remplissent leur contrat. Côté technique, également, la photo de Darius Khondji impose une image aux couleurs éclatantes, aux contrastes très bien gérés, notamment lors des descentes à l’intérieur de la pyramide. De l’excellent travail qui tranche avec la réalisation hésitante, sans saveur, du jeunot Carter Smith. Plutôt à l’aise dans les scènes d’exposition, le cinéaste débutant échoue ensuite à installer de la tension dans le cadre, se contentant de suivre mollement ses acteurs moyennement concernés (mention spéciale à une monolithique Jena Malone, bien loin de l’émotion de Donnie Darko). La conclusion de cette histoire de lierre furieuse, à la fois stupide et inattendue, fait office de cerise paresseuse sur un gâteau qu’on espérait beaucoup plus appétissant.