Oeuvre euphorisante, « Les Guerriers de la Nuit » fut une source d´inspiration pour une génération de jeunes noctambules désorientés avides de sensations aux Etats-Unis, mais aussi en France.
Avant d’aborder l’aspect artistique de cette œuvre euphorisante de Walter Hill, il est utile de rappeler quelle importante source d’inspiration le film a été pour une génération de jeunes noctambules désorientés avides de sensations à l’époque de sa sortie en salle aux Etats-Unis puis plus tard en France. La guerre des gangs newyorkais proposée par « Les guerriers de la nuit » a suscité un emballement frénétique parfois très violent pendant son exploitation et a généré un fantasme absolu à Paris et sa banlieue provoquant sans le savoir une excitation unique dans ces quartiers. Le film a du être retiré des salles pour enrayer les vagues de violence entre gangs dans les salles de cinéma américaines. Le choc produit en région parisienne fut tel que des gangs commencèrent à fleurir utilisant les mêmes codes couleurs et symboles présents dans le film. Des jeunes directement inspirés par le cinéma (sans oublier Beat Street) qui pouvait encore provoquer sans le vouloir un phénomène puissant de société dans les années 80. La légende Warriors était née.
Pour faire simple, le film raconte l’épopée d’un gang qui doit rentrer chez lui sans se faire arrêter par la police ou dépecer par les autres gangs persuadés qu’un de ses membres est responsable de la mort d’un leader. Derrière cette histoire de survie en terrain hostile et de l’amourette presque anodine du héros, Walter Hill arrive à imaginer un univers à partir de ce qu’il observe dans la rue et réussit à capter l’essence même du problème d’identité d’une jeunesse hébétée et hésitante. Dans « Les Guerriers de la nuit », les membres des divers gangs n’ont pas les muscles de Sylvester Stallone et ne font pas l’étalage d’un charisme sans pitié. Ce ne sont que des jeunes un peu perdus qui utilisent l’appartenance à un gang pour combler une identité qui fait encore défaut. Certes, la violence est présente mais elle n’est pas la priorité ni le thème principal du film ou de l’existence de ces gangs. On y vient pour chercher l’adrénaline, se faire peur, se rebeller, trouver un peu d’amour et s’inventer une famille. Si un remake était imaginé aujourd’hui, il évoquerait surement un choc entre communautés ethniques ou religieuses ce qui n’est absolument pas esquissé dans le film. Non, l’essentiel est ailleurs. On s’unit par son activité (les Furies), son orientation sexuelle (les Lizzies) ou sa condition sociale (les Orphans). Tout est prétexte pour créer un gang et partager un moment de vie comblant l’incertitude inquiétante de l’entrée à l’âge adulte. Walter Hill s’amuse même à ajouter un gang de mimes (les High Hats) semant une terreur gestuelle sur le passage des Warriors. Pas de quoi avoir peur.
Outre une mise en lumière magnifiant la nuit citadine et les éclairages de réverbères, Walter Hill utilise une musique électrisante censée rythmer cette épopée sauvage comme si toute cette histoire n’était qu’un seul et unique morceau de bravoure funky mais endiablé. « Les Guerriers de la nuit » est d’avantage qu’un film culte, il est une perception clairvoyante de la culture d’une époque et d’une génération qu’il réussira à dépeindre et à inspirer sans doute un peu plus qu’il ne l’aurait imaginé. Walter Hill instaurera dans le film un aspect visionnaire pertinent par le personnage emblématique de Cyrus et ses « Can you dig it ? » harangueurs d’une foule de gangs mélangés pour une cause unique : une supériorité embarrassante pour les autorités par le contrôle total de la ville de New York. Trente ans plus tard, Barack Obama, président des Etats-Unis a des allures de Cyrus, leader des gangs unis, les deux personnages représentant le passage à l’âge adulte et au basculement vers de nouvelles ambitions sociales et politiques. Un virage vers la pensée en somme. Can you dig it ? Yes, we can !
Pietro Germi figure un peu comme l’outsider ou, à tout le moins, le mal-aimé du cinéma italien de l’âge d’or. Et les opportunités de (re)découvrir sa filmographie -telle la rétrospective que lui a consacré la cinémathèque française en octobre dernier- ne sont pas légion. L’occasion de revenir aux fondamentaux de son cinéma enclin à la dénonciation sociale. Rembobinons…