Les Dollars des sables

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Géraldine Chaplin au service de ce beau film qui évoque les amours malheureuses et tarifées des amateurs d’exotisme.

La jeune Noelí séduit les touristes pour des relations tarifées. Mais avec Anne, la relation dure depuis trois ans et dépasse le simple commerce sexuel. Agée, la Française, qui s’est installée sur l’île, s’est beaucoup attachée à elle, au point d’envisager de l’emmener en France. Les réalisateurs de Cochochi (2007) adaptent ici le roman éponyme de Jean-Noël Pancrazi (2006), avec Géraldine Chaplin dans le rôle d’Anne. On pense bien sûr à Vers le Sud de Laurent Cantet (2005) dans lequel Charlotte Rampling interprétait déjà le rôle d’une vieille dame indigne qui achète l’amour d’un beau jeune homme haïtien. Ici, nous sommes en République dominicaine, et Géraldine Chaplin sait trouver les mots et les expressions pour donner encore plus de dignité à son personnage, surtout dans la scène finale où elle esquisse un petit pas de danse pour masquer la tristesse d’avoir été trahie et abandonnée.

C’est un très beau film sur la solitude et la trahison qui, par petites touches, instille une invitation à la réflexion sur la complexité des relations entre les pays dits développés et ceux qu’on déclare maintenant émergeants, pour ne plus dire en voie de développement ou pauvres. On sait bien dès le départ qu’il s’agit là d’un amour impossible, et la littérature tout autant que le cinéma ne nous ont rien épargné sur l’impossibilité d’un amour entre deux êtres que l’âge sépare de façon cruelle. On pense bien sûr à Mort à Venise (1971) de Luchino Visconti, déjà inspiré d’un livre de Thomas Mann. Ici, la relation est encore compliquée du fait qu’il s’agit non plus d’un amour entre deux hommes auquel nous sommes habitués depuis la Grèce antique où c’était la norme, mais entre deux femmes – et le lesbianisme n’a pas encore trop droit de cité au cinéma, ou alors de façon sulfureuse et quelquefois à peine suggérée comme dans Thelma et Louise (Ridley Scott, 1991).

 

Mais Anne, présentée de manière volontariste et douce par une Géraldine Chaplin incroyable de sincérité et de magnétisme, veut croire à cet amour, même si elle sait que pour cela, elle doit payer sans cesse, supporter le petit ami de Noeli et avaler des couleuvres sur ce soi-disant amour. Mais Anne, lorsqu’elle se confie à ses amis, est complètement dans le déni, sur son âge, sur la différence de classe sociale et de culture mais, comme elle est follement amoureuse de ce corps qui se dérobe sans cesse à son désir, elle ment et se ment parce qu’il est impossible de vivre sur terre sans amour. Et le film touche ici au cœur de la problématique de l’âge et de l’homosexualité : être un homme ou une femme homosexuel(le) et vieillir est un malheur particulièrement difficilement à supporter, sans doute plus que pour les hétérosexuels même si la scène d’ouverture du film entre Noeli et un vieil homme pourrait nous faire penser le contraire. Certes, avec un peu d’entregent, de folie et de beaucoup d’argent, on finira bien par trouver un être jeune qui fera croire encore aux derniers feux de l’amour. Mais tout ceci n’est qu’artifice. Géraldine Chaplin incarne bien ce long et douloureux chemin de croix de l’amour humilié et humiliant, jusqu’à nier à la fois son âge et la douleur de la perte et de la trahison. Sans doute un énième film sur un sujet particulièrement romanesque, mais très réussi, qui ne sombre ni dans le pathos, ni dans la leçon de morale, mais se contente de dépeindre de façon quasi entomologiste la schizophrénie des amours impossibles.

Titre original : Dolares de Arena

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Durée : 85 mn


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