Sûrement pas votre serviteur, lui qui a entamé le visionnage avec un accès de méfiance qu’il a bien du mal à justifier a posteriori. C’est que l’on était en droit de se demander si l’humour allait résister à 45 ans d’évolutions du rythme cinématographique, indéniable ressort comique. Et puis, sommes-nous en droit de nous gausser d’un colonel italien tenant ses ordres de Mussolini ?
Il semble que oui, comment pourrait-il d’ailleurs en être autrement, lorsque le-dit colonel accumule les prouesses physiques? Son agitation fébrile en fait un De Funès italien, la gravité solennelle (mémorable scène d’exécution où le bouffon va-t-en-guerre se métamorphose en être digne et compassionnel) et un brin de retenue dans l’hystérie comique en plus. Mais, loin d’être un véhicule dédié à ce seul acteur, le film lui oppose justement un homonyme anglais à la personnalité tranquille et imperméable à la panique. La force de ce duo, l’improbable amitié qu’ils vont finir par nouer tient dans cette opposition tant physique (si l’un est tassé, l’autre est élancé) que mentale (le calme contre l’agité).
Pour le reste, les deux colonels ont dès le départ un point commun : leurs armées sont à cours de vivres et de munitions et, tels deux Sisyphe, ils se voient condamnés à conquérir et perdre indéfiniment le village du Montegreco. Dindons de la farce de cette interminable situation, les habitants sont soit assaillis par les Anglais, soit occupés par les Italiens, attendant en toute impuissance que les deux camps rebroussent chemin. Alors, certes, nous sommes loin d’une évocation rationaliste des réalités de la guerre (le colonel Di Maggio torture les villageois en les soumettant à la coupe de cheveux et au footing) mais le statu quo que subit le Montegreco laisse transparaître une considération subtile sur le sentiment de lassitude qu’occasionnent les grands conflits, et l’introduction des Allemands donne un tour de vis entre le repenti et la prise de conscience : Mussolini n’était-il rien de plus que le pantin de Hitler ?
La question nous traversera l’esprit mais on ne se sentira pas pour autant obligé d’y répondre : si nous sommes là, c’est avant tout pour profiter d’un buddy movie à l’ancienne, auquel on s’attache sans y prendre garde. Ainsi que pour se délecter du jeu de deux comédiens dont le plaisir de l’interprétation transpire à chaque mot, et chaque geste.