Les Amants de Caracas

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D’inspiration pasolinienne, « Les amants de Caracas » s’empare des relations père-fils sur fond de tragédie passionnelle.

Après un court métrage présenté à la Semaine de la Critique à Cannes en 2005, Les éléphants n’oublient jamais, Lorenzo Vigas revient, pour son premier long, sur les relations complexes entre un fils et son père. En choisissant l’acteur chilien Alfredo Castro (vu plusieurs fois dans les films de Pablo Larraín) pour interpréter le rôle d’un prothésiste dentaire installé à Caracas, Lorenzo Vigas semble avoir fait le bon choix et il instille à ses images et à son histoire, entièrement filmée dans les décors naturels des rues de Caracas touchée de plein fouet par la crise économique, une atmosphère à la Pier Paolo Pasolini complètement fascinante et sulfureuse.

Armando vit donc à Caracas, dans les quartiers de la classe moyenne en train de s’appauvrir de plus en plus. Il erre souvent dans les rues de la ville, que le réalisateur filme avec une profondeur de champ variable pour lui donner une apparence quelque peu spectrale, à la recherche de jeunes gens qu’il entraîne chez lui, leur demandant de se déshabiller mais qu’il ne touche jamais. Le film joue donc sur la frustration, et cette impossibilité d’aller à la rencontre de l’autre est sans doute la matérialisation d’un rapport compliqué au père, qu’on découvrira peu à peu au cours de ce beau film. « Armando ne parvient pas à communiquer et à échanger pleinement avec les personnes qui l’entourent, déclare le réalisateur dans le dossier de presse. D’une certaine manière, il vit de façon autarcique à Caracas. Le titre original, "Desde Allá", peut être littéralement traduit par "De là-bas" : il fait référence à la distance qui sépare Armando de ce qu’il désire et à ces garçons qu’il attire chez lui, mais qu’il refuse toujours de toucher. Le titre fait aussi référence à la distance qui sépare Armando de son obsession, incarnée par un vieil homme d’affaires », qui se trouve être son père. Le jour où il rencontre la jeune frappe, Elder, issu des quartiers miséreux de Caracas, leur vie à tous les deux va complètement changer, même s’ils ne s’en doutent pas, suivant le cours d’un destin mystérieux, celui qui guide les pas des homosexuels et que Pasolini, entre autres, avait bien mis à jour dans son roman, Ragazzi di vita. À partir de ce moment, les deux personnages vont enfin trouver, non sans mal, leur place au sein de leur histoire. L’un deviendra le père, et l’autre le fils, jusqu’à apprendre pour l’un, à communiquer, et l’autre à apprécier la présence tutélaire, à la fois bonne et sévère, d’un homme qui pourrait être le père qui lui manque.

 

Film sur le manque de père et de repères, le titre Les Amants de Caracas joue bien évidemment sur une antiphrase car la réalité n’est pas aussi idyllique, Lorenzo Vigas n’ayant pas eu le désir de nous proposer un film psychologique, mais plutôt une sorte de réflexion sociologique sur le devenir de la lutte des classes, et la vie dans la jungle des villes. Pourtant, on ne pense pas nécessairement à Brecht dans ce récit, mais quelquefois à un autre maître, R. W. Fassbinder, avec une image presque sépia, froide qui fait ressortir le talent brûlant et terrifiant du jeune Luis Silva qui interprète parfaitement Elder, lui aussi né dans les bas quartiers et qui pourrait s’imposer au cinéma comme le firent les acteurs pasoliniens, Franco Citti et Ninetto Davoli.

Titre original : Desde allá

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Durée : 93 mn


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