L’Élan

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De la tentative scientifique de mettre en discours un fait divers absurde, un mélange qui tient du non-sens au carré.

 « Est-ce que les tatous entrent dans les maisons ? » se demandait un livre, qui aurait pu apporter une réponse à une autre interrogation trop peu médiatisée : « Que faire d’un élan bipède vêtu d’un long cache-poussière surmonté d’une tête en peluche ? ». Car cela n’arrive pas qu’aux autres, comme le prouve l’étrange aventure vécue par les Petiot. Vite adoptée par cette famille qui a tôt fait de la baptiser l’Elan, la créature devient un objet de curiosité pour tout le village vendéen, à l’exception des chasseurs, cela va de soi. Alors même que rien ne pouvait être plus étrange, c’est au tour de Bernard Montiel d’entrer en scène. Toute cette histoire nous est reportée en voix-off par Willy de Crook, spécialiste des vies extra-humaines et témoin privilégié de ce fait divers inhabituel.
 
 

Extraterrestre, accidentel, intraterrestre

La fantaisie affichée du projet a amené Etienne Labroue à démarcher les particuliers via une plateforme de financement participatif. Une fois le budget réuni, l’équipe s’est lancée dans un tournage de quatre semaines dont une partie s’est déroulée dans la maison de famille du réalisateur ; une économie de moyens qui, loin de desservir le film, ajoute à l’étrangeté du propos. Une étrangeté qui ne va pas sans une organisation qu’on oserait presque qualifier de logique. Ainsi le film est-il divisé en trois chapitres qui sont autant d’hypothèses échaffaudées par de Crook, spécialiste emperruqué tout droit sorti d’un épisode de Strip-Tease du genre « La soucoupe et le perroquet ». L’Elan est donc divisé en trois parties qui cherchent à élucider les origines de cet être encombrant et un peu empoté : extraterrestres, accidentelles ou intraterrestres ? Aux interrogations avancées par la voix-off viennent se superposer les nôtres. Ce spécimen est-il un élément perturbateur à la Théorème (Pier Paolo Pasolini, 1968) ? Une métaphore de l’étranger en terre étrangère ? Voire un reflet de notre propre condition terrestre, insignifiante et, au fond, insensée ? L’esprit s’emballe à cause de l’insondable cervidé.

L’élan est à lui tout seul un effet K à la mode alieno-vendéenne. Il ne parle, ni ne sourit et son museau en peluche affiche toujours le même air imperturbable qui constitue son mystère quasi mystique. Il est vrai qu’il pleure parfois, c’est un élan après tout, et qu’il s’émeut des présences féminines mais à ces exceptions près, son mutisme est un véritable support à de multiples projections. N’étant rien de bien identifié, il peut être tout ce que l’on veut et tous les sentiments qui lui sont prêtés sont en réalité ceux des autres personnages ou les nôtres.

 

Un quadrupède sur le fil

Même si les origines de l’élan sont inconnues nous lui connaissons tout de même des parentés bien terriennes. Quentin Dupieux pour le côté cheap qui crédibilise le non-sens, Panique au village (Vincent Patar et Stéphane Aubier) pour la petite séquence animée toute en fébrilité, ou encore Groland et ses piliers de bar mal fagotés. L’élan, la créature, est un peu comme L’Elan le film : quelque chose que l’on identifie mais pas tout à fait, une énigme qui finit par être résolue mais dont on se demande si la résolution est la bonne.

Le film avance au bord du précipice et frôle la catastrophe. L’esthétique cheap menace de devenir laide, l’absurde prend le risque de la gratuité et le faux rythme celui de l’ennui. Cela arrive à certains moments mais à marcher sur un fil, ne pas tanguer relève de l’impossible. Film de science-fiction, comédie, tragédie voire mélodrame familial, L’Elan est tout cela mais comme le dit si bien Jo le garagiste : « L’Elan si ça se trouve on sait pas ce que c’est, quand on y pense c’est pas plus con. »

Titre original : L'Élan

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Durée : 82 mn


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