Le Soleil se lève aussi (Tai yang zhao chang sheng qi)

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Une mère devenue folle après être tombée d´un arbre, un homme pris au piège par deux femmes en manque d´amour, deux hommes épris d´une même femme, un étrange rêve où tout semble permis. Telles sont les histoires racontées par « Le Soleil se lève aussi » de Jiang Wen. Intéressant, mais inégal et confus.

Pour son troisième long-métrage, Jiang Wen s’offre de gros moyens. Il n’embauche pas moins de trois directeurs de la photographie, parmi les plus reconnus en Chine et à l’étranger (Zhao Fei a préalablement travaillé avec Zhang Yimou et Woody Allen ; Mark Ping-bin Lee est le directeur de la photographie attitré à Hou Hsiao Hsien), recrute le très célèbre compositeur japonais Joe Hisaishi (à qui l’on doit les musiques de la plupart des films de Kitano et de Miyazaki) et un trio de stars (Joan Chen est connue pour ses rôles chez Bertolucci, Lynch et Ang Lee ; Anthony Wong est l’un des acteurs-phares du cinéma d’Hong-Kong ; Jaycee Chan, enfin, est le fils du mythique Jacky Chan). Jiang Wen réunit une bonne palette de talents chinois – ou plus généralement asiatiques – et semble chercher à donner à son cinéma national les lettres de noblesse que celui-ci peine à acquérir. A croire que le cinéaste veuille prouver à l’Occident que la Chine n’est plus en reste en matière de films…

Le Soleil se lève aussi est divisé en quatre parties, brisé en quatre morceaux. Chacun de ces segments expose un récit autonome, suffisant à lui-même. Si certains personnages de la première partie réapparaissent dans le troisième et dans le dernier mouvement, si les personnages du deuxième épisode font de même, les récits en réalité ne raccordent vraiment pas entre eux. Les thèmes développés dans telle partie ne correspondent pas à ceux traités dans telle autre. Le long-métrage s’assimile à une suite de courts-métrages accolés les uns aux autres, comme si le cinéaste y faisait miroiter les différentes facettes de son talent.

La progression dramatique du long-métrage ne repose donc pas sur son assise narrative, mais sur sa tournure stylistique. Le film de Jiang Wen forme une époustouflante mosaïque des moyens expressifs couramment employés au cinéma. Il ne s’agit pas de cataloguer les genres ou de détourner les codes, mais de considérer chaque segment d’un point de vue filmique différent.

La première partie donne la priorité au mouvement, à l’exubérance, à la folie. Les couleurs, rarement aussi somptueuses au cinéma, conjuguent les tons chauds – l’or, le rouge, la terre brûlée – à des teintes fraîches et candides – le vert des arbres, le bleu du ciel. Les personnages accourent de tous les côtés, tandis que la caméra, s’efforçant de les suivre, semble partout à la fois. Débordante d’énergie et de sensibilité, cette première partie, à elle seule, hisse le film à un très haut niveau de composition.

Le deuxième épisode change complètement de cadre. La campagne radieuse laisse la place à la ville grise, rêche et désolante. A l’enthousiasme du début se substitue un humour triste et morose, tirant vers le burlesque. Même si certaines scènes méritent les honneurs – la chanson des ouvrières, entre autres –, l’épisode ne parvient pas au degré de sublime que le premier épisode impose trop rapidement pour être suffisamment nourri.

La troisième partie, quant à elle, enfonce le clou. Le cinéaste joue la carte de la discontinuité narrative. Les ellipses sont nombreuses, les espaces sont variés. Complètement éclaté, l’épisode repose sur un jeu de rimes et d’assonances. Se répondant les uns aux autres comme sous l’effet d’un certain écho, les plans forment une sorte de système qui, au fil de la progression de l’intrigue, conduisent à une issue inexorable. Ce troisième segment tourne en rond et ne parvient jamais à décoller. Bien trop schématique et abstrait, l’épisode dessèche l’approche psychologique sur laquelle, pourtant, il ne cesse de puiser. Les personnages sont de maigres pantins qui s’agitent confusément, sans réelle consistance.

Prolongeant le style mis en œuvre dans le troisième épisode, la quatrième et dernière partie sauve quelque peu la mise. Là, toute connexion spatio-temporelle est abolie. Tous les personnages du film réapparaissent, sans aucune logique, dans ce qui s’apparente à un rêve, pour revivre leurs aventures à l’infini. Le film se clôt sur une séquence festive à la Kusturica à travers laquelle la splendeur du début refait partiellement surface.

Le Soleil se lève aussi est un abrégé d’Histoire du Cinéma. Travaillant la linéarité et le mouvement dans une première partie, le film se tourne peu à peu vers un horizon marqué par le sceau de la discontinuité et de la sophistication narrative. Du début à la fin, le film traverse différentes phases correspondant au glissement de l’image-mouvement à l’image-temps.

Peu de chair pour un si remarquable projet. Le film de Jiang Wen donne l’impression d’avoir manqué quelque chose en cours de route. C’est que l’esthétique qui le gouverne se retrouve totalement coupée de l’énoncé qu’il propose. L’un et l’autre mènent leur chemin concomitament jusqu’à ce que la fadeur du propos désamorce toute la teneur du style. Et c’est dommage…

Sortie le 13 août 2008

Titre original : Tai yang zhao chang sheng qi

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Durée : 115 mn


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