Le Crime était presque parfait

Article écrit par

Un film à part dans la filmographie du maître du suspense

Après La Corde, c’est la seconde fois, avec Le Crime était presque parfait (Dial M for Murder) que Hitchcock adapte une pièce de théâtre. Mais cette fois-ci, il abandonne les plans-séquences de dix minutes ! Dans son entretien avec Truffaut (Hitchcock – Truffaut), le cinéaste se montra particulièrement dur avec le film « sur lequel nous pouvons passer rapidement car nous n’avons pas grand-chose à en dire. […] J’ai fait mon boulot, je me suis servi de moyens cinématographiques pour raconter cette histoire tirée d’une pièce de théâtre ». Mais si le réalisateur semble peu satisfait de cette œuvre de commande, on pourra émettre une autre opinion et penser que Le Crime était presque parfait est loin de dépareiller dans sa filmographie.

L’histoire met en scène un ancien champion de tennis, Tony Wendis, marié à Margot, belle et riche. Mais celle-ci entretien une relation extraconjugale avec un jeune romancier, Mark Halliday. Le doute s’est probablement immiscé dans l’esprit de Tony : et si elle le quittait ? Tony Wendis a donc de bonnes raisons pour assassiner son épouse : sa fortune ne doit pas lui échapper. Pour ne pas effectuer la sale besogne lui-même, il échafaude un plan machiavélique et fait chanter un ancien camarade de classe au passé chargé. Mais les choses ne se passent pas comme prévu, et sa femme finit par tuer son agresseur. Tony change alors de stratégie : il va essayer de faire convaincre la police que sa femme a tué délibérément…

Le scénario du Crime était presque parfait, sans être le meilleur sur lequel s’est appuyé Hitchcock, est solide et particulièrement pervers. Les personnages sont bien ciselés, procédant de paradoxes et de renversements de rôles troublants : Tony, l’assassin, est présenté comme un être beaucoup plus fin et séduisant que son rival Mark ; Margot la victime devient meurtrière, tandis que Lesgate le meurtrier devient la victime. Toute l’intrigue est construite sur un jeu de mensonges. Hitchcock explore une nouvelle fois le royaume des apparences, peuplé de fausses clefs, de personnages qui ne sont pas ce qu’ils paraissent être (Margot, sous ses apparences de femme superficielle, cache une force psychologique et physique surprenante), les objets non plus puisque de simples ciseaux deviennent des armes de mort. Comme dans La Corde, l’espace rigide et confiné devient peu à peu étouffant.

Il ne faudrait pas considéré Le Crime était presque parfait comme un Hitchcock mineur. Peu original il est vrai, mais le cinéaste avait-il besoin de l’être pour se montrer génial ? Alors certes, certains préféreront La Corde, film peut-être plus tendu et réflexif, proposant de manière sous-jacente une tentative de réflexion sur la « notion » de meurtre absente du Crime était presque parfait. Celui-ci a de nombreuses qualités à faire valoir, au premier rang desquelles une excellente gestion du suspense. En fait, le film serait peut-être plus à rapprocher de L’Inconnu du Nord Express dans sa forme diabolique et ses personnages hautement surprenants.

Titre original : Dial M for Murder

Réalisateur :

Acteurs :

Année :

Genre :

Durée : 88 mn


Partager:

Twitter Facebook

Lire aussi

La peau douce

La peau douce

Avec « La peau douce », François Truffaut documente une tragique histoire d’adultère seulement conventionnelle en surface. Inspirée par un fait divers réel, la comédie noire fut copieusement éreintée au moment de sa sortie en 1964 par ses nombreux détracteurs; y compris à l’international. Réévaluation.

La garçonnière

La garçonnière

A l’entame des “swinging sixties” qui vont pérenniser la libération des mœurs, « la garçonnière » est un “tour de farce” qui vient tordre définitivement le cou à cette Amérique puritaine. Mêlant un ton acerbe et un cynisme achevé, Billy Wilder y fustige allègrement l’hypocrisie des conventions sociales et pulvérise les tabous sexuels de son temps. Un an après avoir défié le code de
production dans une “confusion des genres” avec sa comédie déjantée Certains l’aiment chaud, le cinéaste remet le couvert. La satire aigre-douce et grinçante transcende la comédie; défiant les classifications de genre.