L’Avocat

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Après un premier long imparfait mais prometteur, Cédric Anger s’égare avec un film de cinéphile au ratage si évident qu’il inviterait paradoxalement à une certaine indulgence.

Le plus embarrassant, face à un ratage aussi évident que ce second long métrage de Cédric Anger, c’est la difficulté de ne pas culpabiliser à la relève – consternée ou amusée – des innombrables motifs de cet échec. En effet, rien ici ne semble à sa place, tout sonne trop faux, ou plutôt pêche trop par excès d’intention de faire « vrai », de fidélité aux gimmicks du film noir (tendance L’Impasse de De Palma) pour ne pas prêter à rictus.

Accompagnant la chute annoncée d’un jeune avocat prometteur, sortant du droit chemin par son engagement un peu cynique, un peu arriviste dans la défense d’un malfrat, L’Avocat déroute ainsi très vite par ses allures de parodie involontaire, Benoît Magimel et Gilbert Melki, si leurs costumes respectifs ne leur siéent pas si mal, n’apparaissant très vite que comme des acteurs jouant un rôle fabriqué de toute pièce (soit ce qu’ils sont et font en effet… d’où l’embarras).

Sans doute l’ex-critique (aux Cahiers du cinéma), dont la cinéphilie, le goût pour le film de genre transparaît à chaque plan, aurait gagné à suivre moins scrupuleusement ce qui lui semble être le cahier des charges d’un thriller digne de ce nom, à délester son travail de cinéaste du poids d’images trop adorées, sinon idéalisées. Ainsi est-il tout simplement impossible de ne pas voir dans ce qui se veut une montée en puissance paranoïaque (les hommes de main du voyou rôdent autour de la demeure de l’avocat, l’obligeant ici à participer à un crime, décapitant là une poule devant les yeux de sa femme enceinte) autre chose qu’une naïve projection, une aspiration un peu adolescente à accéder à la densité d’œuvres mille fois vues.

Reste que plutôt que de se complaire dans une moquerie un peu bête, une possible perspective serait celle de la réception simple de ce programme, cet alignement de clichés dénué de toute emphase, préservé de toute forme notable de décalage postmoderne. Dans la catégorie des films d’ex-critiques des Cahiers, L’Avocat, après Le Tueur (2007), premier film imparfait mais bien plus « personnel » et prometteur, n’aide donc pas – contrairement aux seconds longs de Thierry Jousse (dont nous parlons plus haut) et Mia Hansen-Love, au premier de Nicolas Saada – à mesurer le réel potentiel de cinéaste de son auteur.

En attente de la suite, le plus sage, concernant le cas précis de Cédric Anger, sera de prendre cet Avocat comme il est, s’abstenant de lui trouver des qualités lui faisant cruellement défaut, ne cédant pas non plus à la tentation d’une sentence trop facile.

Titre original : L'Avocat

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Durée : 102 mn


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