Barry l’icône du Swinging London
L’arrivée de John Barry dans le monde du cinéma est une petite révolution au début des années 60. Si les grands compositeurs de l’âge d’or hollywoodien (Miklos Rosza, Elmer Bernstein, Max Steiner…) surent s’adapter et intégrer des éléments des musiques en vogue à leurs bandes originales, ils étaient le plus souvent d’une formation classique rigoureuse. Féru de jazz grâce à son père, ayant pris goût à la musique par sa mère pianiste, il a appris la musique presque en autodidacte. Entre la trompette qu’il maîtrise seul durant son service militaire, les leçons qu’il suivit chez l’arrangeur de jazz Bill Rosso et les percutantes prestations de son groupe John Barry Seven, son parcours le rattache à une certaine musique populaire plutôt qu’aux grands maîtres du classique.
De populaire, il n’y un qu’un raccourci à effectuer pour définir ce que fut Barry durant les années 60 : une icône pop anglaise au même titre que les Beatles ou les Kinks. Au même titre qu’un Ennio Morricone au même moment, Barry introduit les instruments les plus modernes et inattendus dans la musique de film. Cette modernité se confond avec l’icône de l’époque : James Bond. En dépit de la frustration de ne pas s’être vu attribué le célèbre James Bond Theme (à l’origine de Monty Norman, mais c’est bien le tonitruant réarrangement de Barry qui le rend si marquant), il lui offrira certaines de ces partitions les plus novatrices. Le mélange des genres au service de la mélodie la plus pure, c’est la raison d’être de la pop sixties. Barry l’applique en introduisant sonorités nippones dans You Only Live Twice, les premiers synthétiseurs et de la guitare électrique dans On Her Majesty’s Service tout en mélangeant ses influences jazz à des élans plus grandiloquents dans Goldfinger ou Thunderball. Jeune, dans l’air du temps et convoquant les plus grands artistes du moment pour les chansons écrites pour les Bond (Tom Jones pour Thunderball, Nancy Sinatra sur You Only Live twice…), Barry symbolise en grande partie la bande son du Swinging London des années 60, dont il mettra en musique certains des films cultes comme Le Knack… et Comment l’avoir.
Barry l’élégant romantique
John Barry est à lui seul le représentant d’une certaine forme d’élégance typiquement anglaise et de l’expression d’un romantisme exacerbé. Les arrangements de cordes sophistiquées et simples à la fois, la délicatesse et la répétitivité au service de la mélodie la plus pure auront plus d’une fois mis admirablement en valeur les images. Sa capacité à écrire des thèmes entêtants, Barry en aura usé sur des œuvres épiques comme Zulu ou La Vallée perdue, aux atmosphères ténébreuses et martiales. C’est pourtant dans l’expression de la mélancolie et des sentiments contrariés qu’il dévoile toute sa majesté. We have all the time in the world (version instrumentale, comme celle chantée par Louis Armstrong dans Au service secret de Sa Majesté) est une des plus belles mélopées romantiques du cinéma, auxquelles on peut ajouter celle de La Rose et la flèche ou évidemment le John Dunbar Theme de Danse avec les loups.
Les époques éloignées de ses films et la dimension de gestes courtois, noble et romanesque qui s’y attachent l’auront souvent inspiré, telle la partition oscarisée de Out of Africa, le plus méconnue Quelque part dans le temps ou d’autres films historiques comme Un lion en hiver ou Marie Stuart Reine d’Ecosse. Tout cela aboutira à un style très identifiable, souvent copié mais jamais avec le même touché délicat. La descendance la plus marquante est d’ailleurs à chercher parmi les artistes pop comme Goldfrapp ou Divine Comedy.
Barry le novateur
Et après ?