Seul rescapé de la tuerie qui a décimé tous les membres de son foyer, alors qu’il n’était qu’un très jeune enfant, Bill (John Phillip Law) va, quinze ans plus tard retrouver la trace de la mystérieuse bande d’assassins. La vengeance est l’un – si ce n’est le favori- des thèmes convoqués par le western Italien, que le génie de Don Sergio Leone a propulsé vers les sommets dans Il était une fois dans l’ouest (1968). Antérieur, La mort était au rendez-vous (1967) ne manque pas de motifs visuels et narratifs que l’on retrouvera dans le chef d’œuvre de Leone : le glacial et pourtant magistral massacre qui fait office d’entrée en matière, les flashbacks récurrents sur cette nuit d’horreur, la dimension crépusculaire de la vengeance. … Petroni orfèvre et inspirateur, comme nous l’avons évoqué dans notre précédent article consacré à sa plus grande réussite dans le genre : Trois pour un massacre.
Petroni ne se présentant pas comme un auteur de western puise son inspiration dans un éventail cinématographique bien plus large – et plus ambitieux en partie -. Ainsi, comme le démontre, images à l’appui, Nachiketas Wignesan, dans sa présentation du film, la scène inaugurale, emprunte son esthétique et ses mécanismes au cinéma d’épouvante, par son utilisation du hors-champ notamment. À cela, ajoutons les réminiscences sous formes de flash qui accompagneront le « héros vengeur » tout au long de sa quête, forme de prescience que l’on retrouve le plus souvent associée aux thrillers psychologiques à connotation horrifique. Si le récit de vengeance ne brille pas par son originalité et aurait pu éviter de se répéter quand il s’agit de multiplier les obstacles avant la résolution finale, il possède une ampleur dramatique remarquable. La dilatation du temps – déjà évoquée dans Trois pour un massacre – est l’empreinte la plus saillante du style de Petroni. Si, pour certains exégètes, la durée étirée de certaines confrontations permettrait de nourrir la psychologie, des personnages, pour d’autres, dont nous faisons partie, elle contribue davantage à la dimension mythologique du récit, à donner corps à une tragédie intemporelle et universelle : la solitude de l’homme confronté au miroir de la mort. En sursis, le miraculé Bill et le revenant Ryan (Lee Van Cleff ) sorti indemne de quinze ans de geôle , errent entre les morts, qu’ils croisent ou sèment sur leur passage. Deux fascinants fantômes, une apparence dans laquelle excellera le grand Clint Eastwood : « Et je vis paraître un cheval de couleur pâle. Celui qui le montait se nommait la Mort, et l’Enfer le suivait. « , Chapitre 6 – Apocalypse de Saint Jean mis en exergue dans Pale Rider ( Clint Eastwood, 1985).
Lee Van Cleeff n’est jamais aussi efficace que lorsqu’il en fait le minimum. Taiseux au regard éloquent, pipe au coin de la bouche, sourire complice, en costume cintré ou torse nu, sa seule prestance suffit pour l’imposer. John Phillip Law, dont le physique rappelle celui d ‘ Eastwood, joue de son regard bleu comme avec ses poings et sa gâchette. La vengeance se fait attendre avec plus d’avidité lorsque les Bad Guys sont mitonnés à point. Luigi Pistilli, Mario Brega ( acteur et boucher de Sergio Leone), Antony Dawson (l’assassin derrière le rideau dans Le crime était presque parfait, Alfred Hitchcock), jamais avares au moment de torturer leurs victimes méritent toute notre antipathie. Quand la mort nous donne un tel rendez-vous, il ne faut pas se faire attendre.
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