La Madre

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Un portrait d’adolescent un peu restreint mais habité.

La vie de Miguel (Javier Mendo), quatorze ans, est très resserrée : elle se partage entre son école, aussi peu aperçue à l’écran que le temps qu’il passe à la fréquenter ; le carrefour d’une rue où il échange à la sauvette des paquets de Kleenex contre quelques maigres euros et un appartement terne, à moitié vide, dans lequel le jeune garçon vit avec sa mère (Laia Marull), incapable de se prendre en charge et de s’occuper de lui.

Petit espace sans place

Le cinéaste Alberto Morais développe cette concentration narrative dans sa mise en scène : la caméra embarquée frontalement sur les pas de Miguel vient souligner avec plus de distance, de sécheresse, l’évidement social, économique et humain dont il souffre : c’est ce plan où l’adolescent, assis seul chez lui à une table dont l’esthétique se confond dans le camaïeu de gris qui détermine la plasticité de l’oeuvre, adosse une tranche de jambon et un bout de fromage pour en faire un sandwich, à travers un filmage qui mobilise toute l’attention sur cet acte pourtant anecdotique. Comme les ventes de mouchoirs à la dérobée, le long métrage s’accomplit au fil de « micro actions » qui forment les vadrouilles à la fois lentes, contraintes et déterminées de Miguel, articulées dans ses allers-retours entre des espaces sans place pour lui, toujours entre quatre murs, d’abord ceux de l’appartement qu’il partage avec sa mère, plus tard celui de Bodgan (Ovidiu Crisan), un ancien amant de celle-ci chez qui il est envoyé afin d’échapper aux services sociaux, puis un café quasi désert en bord de route, qui vaut à Miguel de faire la connaissance de Maria (Nieve de Medina), serveuse bienveillante de l’établissement qui s’intéresse à lui alors qu’il tente de lui voler des chips. De petits espaces sans place à des individus rencontrés de manière éparse, le film marque par son amenuisement.
 

 

La présence/absence de « la madre »

De cette situation triste, qui se monnaye au jour le jour, La Madre pourrait se refermer sur la mortification terne qu’elle dépeint, via son récit et ses tonalités chromatiques : l’abandon total d’un adolescent pas sa mère, l’insignifiance générale que celui-ci semble représenter, mis à part pour le foyer, où Miguel ne veut cependant pas retourner. Pourtant le film résiste, accroche, laisse son empreinte, comme son protagoniste principal insiste dans sa propre vie, pour se tracer un chemin, accrochant tous les lieux où il passe. Celle qui donne son titre à ce long métrage est donc la grande absente, elle ne fait présence à l’écran que dans quelques scènes, le plus souvent allongée sur un lit sans énergie. Cette lourde démission qui, en définitive, conditionne toutes les actions de Miguel (son départ chez Bogdan, le travail d’ouvrier auquel il doit se soumettre afin de gagner un pécule contre hébergement,…) et plane sur l’âpreté de la mise en scène, permet le transfert vers un portrait d’adolescent en résistance peut-être un peu réduit mais néanmoins habité. La Madre se clôt sur le même type de geste qu’à son début : la caméra suivant de près Miguel, le collant au front, réticente à le lâcher. C’est peut-être cet accompagnement fort d’un regard sur son personnage qui permet au film d’imprimer sa construction d’images d’une façon signifiante et sensible.

Titre original : La Madre

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Durée : 97 mn


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