La Guerre selon Charlie Wilson

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Une bonne dose de politique et de glamour version années 80, une pincée de polémique, une pointe d´humour, mélangez, secouez et vous obtiendrez la vision de La Guerre selon Charlie Wilson.

La Guerre selon Charlie Wilson est avant tout l’histoire vraie d’un homme, Charlie, et de deux personnages (Joanne et Gust) qui deviendront très vite ses acolytes au sein d’un complot qui dépassa sûrement leur imaginaire.

Charlie Wilson est député texan mais évolue dans les milieux de la nuit, du jeu et a un fort penchant pour l’alcool et… les jolies femmes. Cependant, c’est ce même personnage atypique de la scène politique qui va participer à une opération secrète dans laquelle il créera l’improbable alliance entre le Pakistan, l’Egypte et Israël. Convaincant aussi bien les chefs de ces Etats à participer, que les membres de la commission de la Défense à allouer 1 milliard de dollars d’aide annuelle (au lieu des 5 millions d’origine), il mènera à bien cette opération aboutissant au retrait de l’Armée Rouge d’Afghanistan en 1989. Mohammed Zia ul-Haq, président du Pakistan, dira à propos de la défaite russe : « C’est Charlie qui a fait le coup ».

Le réalisateur, Mike Nichols, qui reprend la caméra après Closer et retrouve par la même occasion Julia Roberts, réussit à garder le cap. Il s’attache fortement à ses trois personnages et évite du même coup le piège d’une glorification potentielle du pouvoir américain. Celle-ci n’aurait d’ailleurs été qu’une vaste mascarade sachant que le gouvernement américain grince fortement des dents à l’idée de voir son budget de la Défense augmenté de manière si conséquente.

Mike Nichols s’attarde donc sur les trois « vrais » protagonistes de son histoire. Le portrait qu’il en fait est parfois cinglant mais n’échappe pas à une certaine caricature : Tom Hanks enfile alors les beaux habits d’un député débauché ; Julia Roberts a, ici, tout des traits de la vamp millionnaire ; quant à Philip Seymour Hoffman, il représente le cliché même de l’agent de la CIA bourru qui souhaite avant tout « tuer du Russe ! ». Cependant, la caricature leur sied bien et ils en jouent. Surtout Tom Hanks qui semble prendre un malin plaisir à tenir ce rôle dans lequel débauche va de pair avec conscience politique et finit par s’y confondre.

L’intérêt et la réussite du film sont portés par ces trois acteurs (qui ne réussissent cependant pas à faire oublier la trop grande caricature qui colle parfois à leurs personnages) mais résident principalement dans l’histoire elle-même. Sans cet ingrédient, le film, dont la construction est linéaire et la forme très classique, s’écroulerait. La caméra suit simplement les personnages, glisse sur eux, comme un œil extérieur, en retrait mais sans recul. On remercie juste cette caméra de survoler ainsi le récit lorsque celui-ci, compliqué et alambiqué, devient parfois difficile à suivre.

Et les clichés reprennent vite le dessus, dans un esprit un peu trop manichéen (qui n’apparaît pas au début du film) : les références et appels à Dieu se succèdent, l’armement de l’Afghanistan s’effectue sur fond de musique classique et les Russes sont, une fois de plus, les « méchants » par excellence. On aurait peut-être apprécié une plus grande preuve d’esprit critique concernant les événements qui suivront en Afghanistan et l’implication des Etats-Unis dans ces derniers, l’ironie du sort résidant dans ces armes fournies aux Afghans par les Etats-Unis pour vaincre les Russes et qui seront par la suite utilisées par les talibans contre les Américains eux-mêmes.

Une petite fenêtre est cependant ouverte sur ce sujet à la fin du film mais une porte grande ouverte aurait été plus intéressante. Certains diront, peut-être à juste titre, que le sujet s’arrêtait justement au seuil de cette porte… Dommage.

Titre original : Charlie Wilson's War

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Durée : 105 mn


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