La faute à Voltaire

Article écrit par

« Un premier film vagabond et chaleureux » (Télérama)

Tamasa Cinéma a la bonne idée de sortir en DVD Amaray le premier film d’Abdellatif Kechiche, déjà un chef d’oeuvre en attendant L’esquive, et tant d’autres. J’en profite pour citer le titre d’un ouvrage que j’ai dirigé chez Jacques Flament édition avec Hugo Dervisoglou, Abdellatif Kechiche, un cinéma des sens dont je reprends un partie de l’analyse ici. Tel un Candide rêvant de l’Eldorado, Jallel immigre en France avec l’espoir de tenter sa chance. De rencontres en rencontres, de foyers en associations, Jallel chemine dans le Paris des exclus et, faute de satisfaire ses espoirs de fortune, découvre et partage la solidarité des déshérités.

Acteur chez André Techiné (dans Les Innocents, face à Brialy en 1987) puis dans le très remarqué Bezness de Nouri Bouzid (avec à la clé un Prix d’interprétation à Namur en 1992), Abdellatif Kechiche décide de passer derrière la caméra. Il a écrit plusieurs scénarios, mais c’est celui-ci qui séduit le producteur Jean-François Lepetit.

Avec ce premier opus, qui décrit le quotidien d’un sans-papiers, entre galères et rencontres amoureuses, le jeune cinéaste révèle son talent d’observateur bienveillant, mais aussi son sens du romanesque et son amour des acteurs (ici, Sami Bouajila ou Aure Atika). Des qualités qui lui valent le Lion d’Or de la meilleure Première Oeuvre à Venise en 2000, et qu’on retrouvera dans ses films suivants.

Jallel, un jeune Tunisien, immigre clandestinement en France. Ce n’est pas le pays de cocagne dont il avait rêvé, mais il s’adapte bien à Paris où il fait toutes sortes de rencontres : Nassera, une jeune mère célibataire qui refuse à la dernière minute de l’épouser, des clochards avec qui il vit dans un foyer et Lucie, qui souffre de troubles psychiatriques.C’est dans ce film qu’on verra sur le journal que Jallel vend dans le métro l’annonce de la sortie du film La graine et le mulet, preuve que Kechiche avait l’idée de ce long-métrage depuis au moins 7 ans. 

La faute à Voltaire. Abdellatif Kechiche. DVD, dolby, couleurs. VF. avec le complément 3 écorchés à Paris par Frédéric Mercier (Transfuge), 27′. Sortie le 26 septembre 2023. 14,95 euros.

Précommande – Faute à Voltaire (La)

Jean-Max Méjean, assisté d’Hugo Dervisoglou. Abdellatif Kechiche, un cinéma des sens. Jacques Flament éditions. 2022. 18 euros. https://www.jacquesflamenteditions.com/512-abdellatif-kechiche-un-cinema-des-sens/

Réalisateur :

Acteurs : , ,

Année :

Genre :

Pays :

Durée : 133 mn


Partager:

Twitter Facebook

Lire aussi

Darling Chérie de John Schlesinger : le Londres branché des années 60

Darling Chérie de John Schlesinger : le Londres branché des années 60

Autopsie grinçante de la « dolce vita » d’une top-modèle asséchée par ses relations avec des hommes influents, Darling chérie est une oeuvre générationnelle qui interroge sur les choix d’émancipation laissés à une gente féminine dans la dépendance d’une société sexiste. Au coeur du Londres branché des années 60, son ascension fulgurante, facilitée par un carriérisme décomplexé, va précipiter sa désespérance morale. Par la stylisation d’un microcosme superficiel, John Schlesinger brosse la satire sociale d’une époque effervescente en prélude au Blow-up d’Antonioni qui sortira l’année suivante en 1966.

La soif du mal : reconstruction d’un « pulp thriller » à la noirceur terminale

La soif du mal : reconstruction d’un « pulp thriller » à la noirceur terminale

En 1958, alors dans la phase de postproduction de son film et sous la pression des studios Universal qualifiant l’oeuvre de « provocatrice », Orson Welles, assiste, impuissant, à la refonte de sa mise en scène de La soif du mal. La puissance suggestive de ce qui constituera son « chant du cygne hollywoodien » a scellé définitivement son sort dans un bannissement virtuel. A sa sortie, les critiques n’ont pas su voir à quel point le cinéaste était visionnaire et en avance sur son temps. Ils jugent la mise en scène inaboutie et peu substantielle. En 1998, soit 40 ans plus tard et 13 ans après la disparition de son metteur en scène mythique, sur ses directives, une version longue sort qui restitue à la noirceur terminale de ce « pulp thriller » toute la démesure shakespearienne voulue par l’auteur. Réévaluation…