La Cinquième saison achève la trilogie entamée avec Khadak (2006) en Mongolie et Altiplano (2009) au Pérou, marquant un retournement de la nature contre l’homme. Niché au cœur des Ardennes belges, le film décrit un monde dont les ressources naturelles non pas se tarissent, mais semblent refuser de s’offrir à l’homme. La célébration de la fin de l’hiver tourne court lorsque le bûcher destiné au sacrifice de Mr Hiver (identique à notre Carnaval) ne s’embrase pas. Cette absence d’allégeance du naturel va s’amplifier : les abeilles désertent les ruches, les graines ne germent plus, les vaches ne donnent plus de lait. Un scénario catastrophe souvent exploité par la SF (récemment, Phénomènes de M. Night Shyamalan, 2008, intitulé dans une première étape du projet The Green Effect) ou largement repris par bon nombres de documentaires alarmistes sur l’état du monde (Des abeilles et des hommes – Markus Imhoof, 2013).
Peter Brosens et Jessica Hope Woodworth font le choix de l’observation des conséquences sociales de ces bouleversements. Plus que l’action ou la catastrophe, c’est le lent désagrègement au fil des saisons – ce n’est pas réellement perceptible mais le film se déploie sur une année dans un hiver perpétuel – de la communauté humaine qui est saisie par la caméra. Une caméra qui semble parfois bien plus occupée à chercher un cadrage original et esthétisant ou à allonger la durée de ses plans qu’à donner une réelle ampleur à l’ensemble. Baigné dans une lumière pâle et des paysages troublants auxquels il faut parfois plusieurs secondes ou minutes pour s’accoutumer, La Cinquième saison est une splendeur visuelle, mais une splendeur qui semble un peu trop jouée pour la caméra. Le film refuse certes le réalisme. En cela, il semble plus proche d’une tradition surréaliste et burlesque du cinéma belge qu’inscrit dans une veine naturaliste. Le problème, c’est que la tension souhaitée se meut instantanément en pause à base de plans à la symbolique tellement appuyée qu’ils finissent par ne plus vouloir dire grand-chose et un misérabilisme qu’on préfèrerait éviter.
Dommage car sur le fond, La Cinquième saison offre un regard peu tendre sur l’homme, l’imminence de la catastrophe faisant resurgir les rites ancestraux et des habitudes bien ancrées. La fin apparaît ainsi comme un chemin de croix au terme duquel le sacrifice humain (et pas n’importe lequel) calmera les pulsions. Plutôt que de modifier son rapport à la terre, on préfère trouver un bouc émissaire pour purger sa haine. Avant de regarder la paille dans l’œil du voisin, regarde la poutre dans le tien. La conclusion est séduisante, mais le pensum est un peu creux et complaisant. Au jeu du film catastrophe écolo, le Man of Steel (2013) de Zack Snyder, malgré des entraves de production qui en limite parfois la portée, est infiniment meilleur.