Les ingrédients étaient pourtant réunis pour faire de Jappeloup un divertissement dans la plus belle tradition des épopées équestres, du Grand National (Clarence Brown, 1944) avec Elizabeth Taylor à Cheval de guerre (2011) de Steven Spielberg. Autant de films d’initiation, réussis au moins par intermittences, dont une des qualités est de mêler un enthousiasme enfantin à une âpreté, une mélancolie qu’on n’aurait pas soupçonnées au premier abord.
Le film de Christian Duguay s’inscrit a priori dans cette respectable lignée, en vertu de son histoire poignante, traversée de forts enjeux humains, familiaux, sentimentaux, et de rebondissements célébrant la persévérance de l’individu contre l’adversité, tel un Rocky (John G. Avildsen, 1976) à la française. À ces caractéristiques s’ajoutent la cinégénie des chevaux, des courses d’équitation, et le travail particulièrement soigné du directeur de la photographie Ronald Plante, aussi sensible lors des crépuscules d’incendie sur Fontainebleau qu’à l’occasion des nombreux et fluides mouvements de grue. La mise en scène déploie cependant plus de joliesse que de beauté et reste très académique. Si bien qu’un ennui léger mais insinuant s’installe et va croissant.
Le problème du film semble tenir, au fond, à son conformisme mou de bon élève – aux antipodes de son personnage principal dont la trajectoire s’est affirmée contre vents et marées. C’est peut-être là le défaut originel du film, son incohérence fatale. Le souci de fédérer le public se traduit par un effacement des aspérités et une certaine précipitation dans l’enchaînement des séquences. L’histoire est connue et on ne peut plus classique : on dirait que le film, par crainte d’ennuyer, a voulu compenser ce caractère trop programmé en refusant de s’arrêter à la moindre péripétie, d’en creuser les ramifications humaines, voire le vertige, pour à la place gérer chaque scène comme un saut d’obstacles et passer aussi vite que possible à la suivante.
Ce refus de se confronter à tout autre défi que technique explique le caractère lisse et consensuel de ce film certes pas détestable, simplement attristant de platitude. Il n’est pas interdit d’y voir un symptôme de l’état actuel d’un certain cinéma populaire français aussi crispé que frileux.