Hyena

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Thriller haletant, « Hyena » est malheureusement un peu trop formaté et déprimant.

Âmes sensibles s’abstenir, Hyena n’y va pas avec le dos de la cuillère dans le genre thriller gore légèrement branché. Parti dans une sombre histoire de traite des femmes et de vente de drogue dans le quartier de Notting Hill dans l’ouest de Londres, Gerard Johnson – dont c’est le deuxième long métrage après Tony qui avait rencontré un grand succès en 2010 – sombre un peu dans la caricature. Du moins, on ose l’espérer car il nous donne du monde un tel noir portrait qu’il est difficile de le croire sincère lorsqu’il déclare qu’il adore montrer la police corrompue jusqu’au trognon, comme gangrénée par un virus létal. Que dire aussi de la pègre, encore plus noire et sadique que dans les plus noirs des films noirs ? Avec sa lumière noire, ses couleurs saturées de rouges et de noirs, le film s’inscrit dans la mouvance de Nicolas Winding Refn qui dit adorer Hyena, mais sans la dimension rédemptrice de l’amour qu’on a pu voir à l’œuvre notamment dans Drive (2011) – lequel était, malgré tout, un beau chant d’amour désespéré. 

Ici, pas de personnage positif hormis les femmes plutôt présentées comme victimes de la folie mâle avide de pouvoir et d’argent. Les truands albanais sont dépeints comme des monstres sans foi ni loi, qui aiment débiter les corps de leurs victimes comme des bouchers de contes cruels. Ce pourrait être du Grand Guignol mais ces séquences n’ont hélas rien de surréaliste ou d’humoristique même si certains rires gênés fusent dans la salle comme pour cacher un embarras ou une désapprobation. Pourtant le directeur de la photographie, Benjamin Kracun, connaît son métier sur le bout des doigts, les acteurs sont prodigieux, notamment Peter Ferdinando qui interprétait déjà le personnage principal de Tony. La musique vient toujours à point nommé et distille ce qu’il faut de tristesse et de sourde angoisse, sous la baguette de Matt Johnson, le chanteur du groupe The The. Bref, tout pour faire un excellent film, mais peut-être lui manque-t-il encore un peu d’expérience ou de supplément d’âme ? Ou alors un bon scénario qui ne ferait pas que la part belle au mal et trouverait une échappatoire, car finalement l’être humain n’aime pas ne plus avoir d’espoir. Pourtant, le poète disait déjà que « les chants désespérés sont les chants les plus beaux ».

Titre original : Hyena

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Durée : 112 mn


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