Hors les murs

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Peu de mise en scène dans ce premier long, qui repose sur les performances de ses deux acteurs.

Après Vivre encore un peu…, court sélectionné à Locarno en 2009 et quelques scénarios écrits en collaboration, Hors les murs est le premier long métrage du belge francophone David Lambert. Comme celui d’Ira Sachs (Keep the Lights On), sorti plus tôt dans l’année, le film est un récit d’amour homosexuel, de la rencontre à la séparation de deux hommes. Cette fois-ci, ni le contexte ni l’époque ne filtrent. Dans Keep the Lights On, le New York des 90’, les boites gays et les hotlines venaient innerver, marquer l’histoire individuelle par le sceau de l’époque. Le contexte n’existait pas tant comme moteur ou témoin du destin de Paul et Erik, mais comme ancrage délibérément réaliste. Hors les murs n’a lui aucune assise, ni temporelle, ni géographique, c’est un film si visiblement écrit qu’il en perd toute attraction du regard.  Autre film belge, Tango libre, sorti la semaine dernière, faisait le même effet. La structure scénaristique était brillante, parfois fluide, mais constamment visible. De manière plus appuyée encore, David Lambert déroule ses étapes narratives et quelques tics de construction de ses personnages.

Ainsi, lorsque Ilir (Guillaume Gouix) et Paulo (Matila Malliarakis) se réveillent après une première nuit passée ensemble, une scène de petit déjeuner expose littéralement la teneur de leur relation future. Paulo dit des absurdités pour masquer sa gêne et son inexpérience, tandis qu’llir surligne sa posture protectrice en le forçant à boire de l’eau pour éviter la gueule de bois. En quatre champs/contrechamps, ce sont les clefs de leur relation que l’on dépose à nos pieds : fragilité/force, confiance en soi/indécision.
 
 

 
 
De la même manière, plus tard dans le film, le cinéaste aligne deux séquences à la suite, sans aucun lien autre que thématique. Le scénariste expose clairement le rapport de chacun des personnages à son orientation sexuelle : dans un premier temps, Ilir marche dans son quartier en compagnie de Paulo mais refuse que celui-ci lui prenne la main en public. Séquence suivante, c’est Ilir qui fait un scandale au supermarché, réclamant à corps et à cris des préservatifs, se moquant délibérément de Paulo qui n’a jamais couché avec un garçon. La question n’est pas de savoir si les deux séquences sont réussies ou pas, au demeurant elles sont plutôt équilibrées, toujours construites sur un comique de situation bienvenu, mais plutôt d’y voir trop clairement le squelette scénaristique se dérouler. Cette mise en opposition programmatique du rapport des deux garçons à leur homosexualité (l’un un peu macho mais quand même honteux, l’autre naïf mais si sincère) est compilée si grossièrement qu’elle saborde elle-même son intention.Et lorsque le scénario, encore lui, fait à mi-chemin basculer la tonalité de récit amoureux à drame, inversant les pré-acquis définis au préalable, le film s’embourbe dans un déroulé attendu, assez ennuyeux.

Reste quand même une scène, incroyable de vitalité, où le désir masculin existe dans le plan, fulgurance sans préméditation. Dans les toilettes d’une gare, Ilir « attache » Paulo, lui fait promettre d’être à lui par l’entremise plutôt triviale d’un sex toy. Mais justement ici, la scène est réussie parce qu’elle ne promet rien d’autre que ce qu’elle offre :  le désir et la possession amoureuse, la douleur et la soumission érotique. Pas d’effet d’annonce et de projection dans un possible des personnages, le moment est suspendu, et c’est une scène de cinéma. 

Titre original : Hors les murs

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Durée : 95 mn


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