Freddy – Les Griffes de la Nuit

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La mode des remakes a encore frappé. Hosana in excelsis Deo. C´est au tour du grand brûlé de Wes Craven de devenir la dernière victime des injections de flotte en intramusculaire. On en regretterait presque le Bal de l´Horreur.

Une poignée de jeunes têtes à claques s’empêchent de dormir car dans leurs rêves un méchant monsieur tout moche avec des lames aux doigts s’amuse à les y tuer, ce qui n’est pas très pratique pour vivre de petites détresses existentielles vibrantes d’indigence dans le monde de l’éveil (de "Avec Maman on s’est disputé" à "Avec mon ex on s’est disputé" en passant par "Avec le psy de l’école on s’est disputé"). Bigre ! Voilà-t-il pas que le méchant monsieur vengeur était un pédophile qui les avait tous tripotés dans leur enfance (depuis opportunément refoulée) avant de subir l’ire meurtrière des parents bien mis et notables (dont Clancy Brown qu’on voit à peine) qui l’ont incinéré sans anesthésie préalable ni formule de politesse. Nancy survivra-t-elle ? Pourquoi son petit ami est-il si prodigieusement laid ? Le châtiment de Freddy Krueger sera-t-il complet ? Utilisera-t-il un antirouille ininflammable pour ses griffes ?

Il y a deux bonnes idées dans le film. C’est peu. L’une est anecdotique et l’autre thématique, mais toutes deux sont inexploitées. C’est décidément peu. Dans l’anecdotique, on saluera cette notion de Freddy qui, au cœur de sa dimension parallèle, se sert du fait que le cerveau humain reste en activité sept minutes après la mort clinique pour torturer encore un peu l’une de ses victimes. On aurait ainsi pu ouvrir sur l’idée d’un purgatoire cauchemardesque où le croque-mitaines aurait régné, dans une optique proche des cénobites de Barker. Las ! Ce sera juste une réplique parmi les semi-vannes dispensables du personnage.

La seconde bonne idée, celle de faire de Krueger un véritable pédophile, aurait pu faire mouche (rappelons que c’était déjà l’intention de Craven à l’époque de l’original et que la New Line avait alors freiné des quatre fers). Freddy pouvait y acquérir un vrai statut de loup de conte de fées, et surtout, les ex-enfants n’étaient plus un simple moyen de rétorsion dans sa vengeance, mais les acteurs du drame puisque leurs témoignages avaient mené le jardinier à sa perte. De plus, on se trouvait dans un schéma de vengeance contre vengeance, et le rôle des parents devenait plus ambigu, notamment dans leur entreprise de refoulement des souvenirs de petite enfance chez leurs gamins, aboutissant sur une broderie autour du thème du viol (physique, psychique, spirituel voire historique ou sociétal). Bien entendu, rien de tout cela ne sera même esquissé. On se saura d’ailleurs jamais par quels moyens les parents ont occulté les souvenirs de leur progéniture, ni la manière dont le jardin d’enfants a fermé, et encore moins comment tout ce petit monde a pu reprendre ses activités normales après les faits… A part ça, rien que de très balisé sur les conséquence de la déprivation de sommeil, avec des infos déjà données dans l’original. R.A.S.

Placés devant l’opportunité de touiller la pâte mythique qui fait de Freddy Krueger une figure multidimensionnelle et même fascinante, pour en tirer des pépites thématiques intéressantes, les margoulins aux commandes ont préféré faire une heure et demie de remplissage ronge-tête et confier le tout à un clippeur yes-man pour tenter de brouiller les pistes sous trois effets de lentille. Les péripéties se superposent sans suite réelle au sein d’un script dont personne, de toute façon, n’a envie de boucher les voies d’eau (au hasard, pourquoi en premier lieu les parents amenaient leurs mômes dans un jardin d’enfant distant d’une bonne trentaine de kilomètres ? En quinze ans, pas un SDF n’est venu s’installer dans les locaux désaffectés ? Par quelle magie Freddy se paie-t-il un mirror-scare à la fin? Ça manquait ?). On a donc une bande de jeunes horripilants des beaux quartiers, les sourcils en accents circonflexes et arborant des fringues de créateurs dignes des pires boîtes de nuit des Champs (l’une des protagonistes porte des Ugg jusque dans ses propres rêves !) qui surfent sur Internet, refont Beverly Hills 90210 entre deux prises de caféine et montent dans la voiture de Papa quand Papa le demande. Bien sages, bien lisses et bien plats. Comme disait Otto, mauvaise viande. Au milieu de ça, on a Haley qui cherche à camper un personnage quand on le laisse faire, c’est-à-dire dans les deux flashes-back qui le montrent avant sa canonisation artisanale (un comble). En tant que Freddy, il place une idée de caractérisation (un tic avec ses griffes) mais ne peut rien contre un découpage qui l’émascule systématiquement et une direction d’acteurs qui lui réclame une voix rauque "comme quand tu faisais Rorschach, là, tu sais".

Le métrage, dans son aspect horrifique, se résume en fait à un festival de jump-scares où toute évocation (et par là toute menace tant soit peu palpable) est annihilée au profit du sursaut immédiat. Lesdits surgissements intempestifs sont d’ailleurs tous prévisibles une bonne minute avant leur survenue et sont, de fait, nuls et non avenus. Lorsque ce sont des exactions de l’original qui sont reprises, c’est sans aucun souffle et dans un découpage qui les minimise, quand il ne les nie pas carrément. Exemple : le meurtre d’un personnage, traîné au plafond en se vidant de son sang. Dans le film de Craven, l’effet de pièce rotative était discret et efficace, le supplice prégnant. Ici, c’est carrément l’occasion de balancer la pauvre fille tête la première dans les murs et le plafond ! On se croirait dans un film des Z-A-Z ou des frères Wayans.

La mythologie du griffu est d’ailleurs méprisée dès l’ouverture, quand le premier insomniaque se tranche lui-même la gorge au terme de sa lutte avec notre Fredo. De là à traiter le rôle-titre d’hallucination, il n’y a qu’un pas qu’il serait déjà malaisé de rebrousser avec de la bonne volonté, alors là… Non, ne nous y risquons pas et démarquons des motifs des succès des 15 dernières années comme le premier Kevin Wiliamson venu (un protégé de Craven d’ailleurs) : le maquillage de Freddy, par ailleurs réussi, évoque furieusement le Mason Verger de Hannibal, la lame d’un massicot sert d’arme comme dans The Faculty, un blogueur se fracasse sur sa webcam comme dans les spots télé de Paranormal Activity, quand la direction artistique ne démarque pas carrément les derniers remakes en date (dont Fog !) ou les clips de Marylin Manson, Garbage ou Cranberries, « ça tombe bien, on a le réa de tous ces clips sous la main dis donc ! » Il est d’ailleurs presque amusant de voir l’imagerie onirique de l’original reprise telle quelle (trente ans après, l’étrangeté s’est éventée bien entendu, puisqu’on nous l’a déjà servie au moment où elle était fraîche), chance que n’aura pas le thème musical qui reste lettre morte.

Au final ce remake totalement je-m’en-foutiste rappelle, à plusieurs reprise, Cut, un calamiteux semi-slasher australien de la vague post-Scream, dont le tueur fantôme mourrait lui aussi dans l’incendie de ses effets personnels. Et Freddy là-dedans ? Il a déjà de la chance d’être à l’affiche. Une bien belle production Platinum Dunes, en somme.

Titre original : A Nightmare on Elm Street

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Durée : 95 mn


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