Five

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Deux après le déroutant Ten, le cinéaste iranien Abbas Kiarostami signe avec Five une oeuvre radicale, aux antipodes du cinéma de divertissement. Divisé en cinq plans séquences de longueur égale, ce film-essai est tourné sur les bords de la mer caspienne, élément fondamental et structurant du récit. Le minimalisme absolu de cette oeuvre ne remportera […]

Deux après le déroutant Ten, le cinéaste iranien Abbas Kiarostami signe avec Five une oeuvre radicale, aux antipodes du cinéma de divertissement. Divisé en cinq plans séquences de longueur égale, ce film-essai est tourné sur les bords de la mer caspienne, élément fondamental et structurant du récit.

Le minimalisme absolu de cette oeuvre ne remportera certainement pas l´adhésion tant sa simplicité et son dénuement font paradoxalement figure d´audaces cinématographiques. De ces cinq tableaux vivants où la mer règne avec puissance sur les êtres et le temps, l´homme n´est qu´une figure passante, un accessoire presque insignifiant face à l´écrasante présence des éléments. Cette approche résolument contemplative de la nature peut évoquer le travail des artistes vidéastes de la scène artistique contemporaine. Pourtant, il s´agit bien là de cinéma et on devine parfois la contribution du cinéaste dans la provocation d´imperceptibles événements. Kiarostami brouille encore une fois, comme il l´a déjà fait dans ses films précédents, les frontières entre réalisme et cinéma.

Le réalisateur a dédié ce film à Yasujiro Ozu, dont on connaît le goût pour les plans fixes et épurés. Cette inclination à l´extrême sobriété chez les deux cinéastes n´est néanmoins pas exempte d´un grand sens lyrique. Ainsi, Five rappelle immanquablement le haïku, tant par son étroite composition que par sa pureté poétique. Il donne à voir des scènes à la beauté légère sur lesquels plus personne ne s´attarde. Dans ce nouveau monde dévoilé aux yeux du spectateur, des incidents habituellement anodins prennent tour à tour un caractère comique, romantique ou tragique, comme lorsque ce morceau de bois porté par les vagues se rompt puis part à la dérive. C´est dans ces moments furtifs de grâce et de dépouillement que la force des images prend tout son sens.

En questionnant sans cesse son art et en en explorant les tréfonds, Kiarostami choisit avec Five de rendre au cinéma son innocence perdue. L´image de la mer est un symbole fort en tant qu´élément purificateur, elle renvoie au refus de l´artifice et à l´ascétisme général de l´oeuvre. Ce retour aux origines tel que le conçoit le cinéaste est d´une pureté presque primitive, où le spectateur fait une expérience aigue de ses propres sens. En effet, Five est un film de partage qui laisse une grande place aux sentiments du public. Kiarostami, en imposant cinq plans fixes, évite singulièrement l´assujetti du spectateur à son propre point de vue et l´invite à une réflexion portée par le ressac de la mer.

Entre expérimentation et essai poétique, Abbas Kiarostami pousse toujours plus loin les frontières de son cinéma, tant et si bien qu´on peut s´interroger sur la portée réelle de ce retour aux sources. Le réalisateur, en portant si haut l´austérité cinématographique, ne risque-t-il pas de tomber dans l´impasse créative ?

Titre original : Five

Réalisateur :

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Durée : 101 mn


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