Festival « Un état du monde… et du cinéma » 2010

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Le Forum des images ouvre ses portes à un Festival aux allures de bilan 2009 et confrontation d’opinions. Tables rondes, projections de films en présence des réalisateurs, panorama du cinéma contemporain, le Festival « Un état du monde… et du cinéma » est une belle réussite.

Avec pour parrains Jacques Attali (ancien conseiller de François Mitterrand) et Raoul Peck (L’Homme sur les quais, Lumumba), le Festival qui s’est tenu du 29 Janvier au 7 Février est une réussite. White Material, la programmation du Festival a joué la carte internationale pour satisfaire des publics connaisseurs.

Quatre thèmes, quatre façons de s’interroger

Un bilan 2009 du cinéma, animé par des journalistes et des cinéastes, témoins de l’impact politique, économique et social dans la création et la production d’œuvres audiovisuelles. Que ce soit une question écologique, une remise en cause du système financier, un mouvement sur le milieu carcéral ou bien l’influence du cinéma sur nos manières de penser et de réfléchir le monde, rien n’est laissé sous silence. La Corée, ou le bouleversement d’une identité, réunit géographes, historiens du cinéma, et journalistes pour aborder la situation de ce pays en perpétuelle mutation. Sans oublier la projection en avant-première d’Himalaya, de Jeon Soo-Il. Le retour du religieux, brûlante interrogation abordée par des films tels que Le Destin de Youssef Chahine, Jesus Camp de Heidi Ewing, My Father, My Lord de David Volach ou Water de Deepa Mehta. Et pour finir, un focus sur l’Iran, très en lien avec l’actualité, notamment grâce à l’avant première Bassidji de Mehran Tamadon et Téhéran de Nader T. Homayoun.

Entre actualité et réflexion

Un état du monde… et du cinéma permet de s’interroger sur le lien entre cinéma et actualité, géopolitique, questions sociétales, de manière à modifier notre regard occidental sur le monde qui nous entoure. Grâce aux diverses rencontres et tables rondes, aux projections programmées de façon juste et appropriée, aux avant-premières souvent en présence des réalisateurs, ce Festival donne la clé aux spectateurs curieux afin d’ouvrir la porte du cinéma de demain : engagé, révolté, réfléchi, dénonciateur même si parfois très critiquable et cynique.
Prochaine édition en 2011, en attendant, voici les impressions de notre rédacteur Alexis de Vanssay.
Un des points d’orgue du Festival Un état du monde …et du cinéma fut sans nul doute la rencontre organisée avec Nikita Mikhalkov, éminente figure du cinéma russe. Le grand amphithéâtre du Forum des images était plein à craquer ce soir-là. Les compatriotes parisiens du maître s’étaient déplacés en nombre, et, avant son arrivée en scène, la salle bruissait de la belle langue russe. Mikhalkov impressionne. On le sent habité par le cinéma. C’est un homme de convictions sur son art mais aussi de convictions politiques pour lesquelles il est d’ailleurs très controversé. Grand défenseur de la Russie éternelle et de son âme, son dernier film 12 (lire la critique ici), est une transposition en Russie du classique Douze hommes en colère de Sidney Lumet. Mais, si la forme reste la même, celle d’un huis clos théâtral, la suprématie de la loi aux Etats-Unis est supplantée, en Russie par « la compassion » qui est « au-dessus de la loi » nous dit le cinéaste. Mikhalkov fut passionnant de bout en bout, s’attardant pour expliquer certains aspects techniques de ses tournages, des astuces pour capter un maximum de vérité, de tension. Il expliqua, par exemple, les ingéniosités de son preneur de son sur Urga. Ni une autorité certaine, ni un sens de l’humour et de la répartie prononcé n’ont manqué au maître ce soir-là. Encore moins l’enthousiasme pour le septième art dont il ne donna pas de preuve plus belle que cette définition subtile et magnifique : « Le cinéma est un cœur qui bat avec une atmosphère et une énergie. »


Enfant terrible

Une autre conférence posait la question de l’existence d’un cinéma de la désobéissance. Romain Goupil qui a consacré une grande partie de son œuvre au cinéma militant était présent pour exposer sont point de vue et débattre avec le public. Son discours, tonique, provocateur, drôle et iconoclaste fut à la hauteur du personnage haut en couleur, brillant et gouailleur. Selon Goupil, dire qu’un film peut changer le monde est absurde. C’est uniquement dans ce qu’il provoque – ce sont les discussions, une mobilisation, une manifestation, créer un rapport de force (sic) – qu’un film peut entraîner un bouleversement, changer l’ordre des choses. Puis Goupil fait dériver le sujet sur un inattendu développement purement artistique. Le seul cinéma de la désobéissance est selon lui celui qui « s’opposerait au cinéma dominant », ce dernier étant celui qui répond à tous les cadres, à toutes les règles de construction du divertissement. Le cinéma de la désobéissance est forcément un cinéma de type révolutionnaire. De sorte qu’il faudrait ouvrir la porte de derrière, celle qui débouche sur les centaines de milliers de films qui peuplent l’histoire du septième art et non pas sur ceux, très visibles, qui ont été formatés avec une précision extrême pour divertir et, in fine, pour le succès.

S’il est un cinéaste qui connaît à l’heure actuelle un succès fulgurant sans sacrifier au conformisme et à la facilité, c’est bien le prolifique Brillante Mendoza dont le dernier film Lola était présenté en avant-première. Dans Lola, Mendoza filme deux femmes âgées à Manille, qui se trouvent confrontées à un drame commun. Le style de Mendoza, sans concession, est éblouissant et l’on se dit qu’il échappe aux recettes commerciales et n’hésite pas à fuir les cadres formels imposés, et qu’ainsi il devrait plaire à Romain Goupil.

 

 


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