Festival Lumière 2012

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Retour sur quelques séances du festival Lumière après une trop courte semaine dans les salles lyonnaises.

La quatrième édition du festival Lumière s’est achevée dimanche et comme toujours lors de cette course effrénée d’une semaine dans les salles – et cette année en VOD sur Internet – nombreuses sont les frustrations d’avoir manqué certains rendez-vous : Les Misérables (1934) de Raymond Bernard, la version longue d’Il était une fois en Amérique (1984) ou encore The Pleasure Garden (1925) d’Alfred Hitchcock et Runaway Train (1985) d’Andrei Konchalovsky. Perdus parmi tant d’autres, trois séances pourtant marquèrent particulièrement notre semaine. Projetés devant des salles combles, elles représentent pour nous ce que le festival Lumière sait le mieux faire : donner une seconde chance, permettre la redécouverte d’un "classique" par la magie d’une copie restaurée. On se souvient de Psychose (1960) ou encore du Guépard (1963) qui avaient marqué les éditions précédentes ; cette année ce sont Les Dents de la mer (1975) de Steven Spielberg, Lola Montès (1955) de Max Ophuls et La Porte du paradis (1981) de Michael Cimino auxquels le festival a redonné des couleurs. Ces films que des millions de spectateurs ont déjà vus, qui ne sont pas des raretés et le fait de réalisateurs bien connus semblent cette semaine avoir reconquis leur public.

Si l’on appréciait déjà la qualité visuelle du film de Michael Cimino, l’émouvante séance de clôture en présence du trop rare cinéaste a confirmé que les trois grandes heures de sa version longue ont définitivement une place à part dans cette Histoire du cinéma américain que chérissent tant le festival et l’Institut Lumière. Une des particularités de La Porte du paradis, en effet, c’est que le film trouve paradoxalement son souffle épique dans ses moments d’intimité, grâce à quelques scènes qui auraient pu passer inaperçues au sein de la grande fresque : un baiser au bord de l’eau, une danse dans une salle de fête déserte. Devant les quelques 4000 personnes de la halle Tony Garnier, le sourire amoureux d’Isabelle Huppert, la barbe soignée de Kris Kristofferson et les yeux jaloux de Christopher Walken suffirent une nouvelle fois à conquérir le public et à redonner vie aux mythes.

 

 
La projection en copie restaurée de l’étrange Lola Montès, dernier long métrage de Max Ophuls, nous laissera elle le souvenir durable d’un des films les plus inconfortables de la semaine. Construite sur des personnages de femmes immenses autour desquelles tournent intrigues et décors, l’œuvre de Max Ophuls se termine sur un long travelling arrière où des centaines d’hommes attendent de pouvoir baiser la main de Lola. De sa première scène de cirque jusqu’à ce dernier plan, tout le film n’est qu’un interminable tourbillon dont la jeune femme sortira anéantie. L’euphorie des longs plans-séquences magnifiés par une restauration impeccable laisse la place au fil des scènes à un véritable malaise, faisant de cette projection l’expérience la plus dérangeante de la semaine.

Trente années après sa sortie, la version restaurée par Universal des Dents de la mer présentée cette semaine fut l’une des plus belles surprises que le festival ait connue depuis quatre ans. Comme la Cinémathèque avec sa rétrospective Steven Spielberg en 2012, le festival Lumière a inclut cette année le réalisateur dans sa programmation de classiques (De Sica, Ophuls, Renoir…) pour lui faire officiellement une place dans son Histoire du cinéma – des milliers d’enfants mercredi ont également pu découvrir son cinéphile E.T. (1982). Les Dents de la mer, où la petite ville d’Amity se fait avaler entière par la mer comme le fut Bodega Bay par Les Oiseaux (1963) d’Alfred Hitchcock, attendait sans doute depuis de nombreuses années d’être redécouvert de la sorte. Malgré tous les grands noms venus présenter des films cette semaine, le plus beau moment du festival fut donc peut-être une simple séance collective de chasse au requin.


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