Entretien avec Woody Allen

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Whatever works, sa nouvelle comédie new-yorkaise, est en salles le 1er juillet. Un retour aux sources, dans tous les sens du terme, pour le grand cinéaste de Manhattan qui, pourtant, ne rêve rien tant que de tourner à Paris ! Interview facétieuse et sérieuse,à l’image de son abondante filmographie…

Lorsque Woody Allen vient à Paris, il descend au Ritz et dîne, occasionnellement, à l’Élysée. Un parcours aux allures de « rêve américain » façon studios Hollywoodiens : n’y manquent que les scintillantes boutiques du Faubourg Saint-Honoré ! Un périple sacrément exubérant, de fait, pour cet étrange petit homme sans âge, qui traîne depuis des lustres les mêmes lunettes et la même chemisette d’étudiant sage d’avant 1968.

Serait-ce que ce grand inquiet trouve dans ce luxe ostentatoire, un rien cliché, comme dans cette mise juvénile, tout aussi stéréotypée, le réconfort d’un semblant de pérennité ? Le monde bouge, s’affole, tergiverse et bascule : Woody, lui, choisit la permanence. C’est ainsi qu’il continue d’aligner, chaque année, un nouveau film, comme pour mieux déjouer les caprices et soubresauts alentour. Ce 1er juillet en salles, l’attachant New-Yorkais tente même l’ultime intemporalité : Whatever works n’est rien moins qu’une comédie, écrite dans les années 70 pour l’acteur Zero Mostel, à peine réactualisée pour Larry David, dit-il. Arguant qu’en 30 ans ce grand mic-mac de l’amour et du destin n’a guère changé…

Las ! Si ce long-métrage n’apportera pas grand chose à sa brillante filmographie, l’espiègle Woody Allen réserve quelques surprises, en revanche, en interview. Ne jamais totalement se fier aux phobiques…

D’abord, tout bêtement, pourquoi avoir sorti de vos tiroirs ce scénario datant d’il y a plus de 30 ans ?

D’habitude, je travaille et écrit en hiver, puis filme en été. Chaque année. J’ai un rythme tranquille. Mais, l’an passé, on a annoncé une grève d’acteurs. Du coup, les choses se sont précipitées. On devait travailler tout de suite, avant cette fameuse grève. Or, je n’avais pas de script préparé. J’ai donc repris cette histoire… L’ironie, c’est qu’il n’y a pas eu de grève, finalement !

Fort de cette expérience, et puisque Whatever works ne parle que de cela, diriez-vous qu’en 30 ans les relations entre hommes et femmes n’ont pas changé ?

Non seulement elles n’ont pas changé en 30 ans, mais en 300 et même en 3000 ans ! Les problèmes sont les mêmes que ceux qui existaient au temps de la tragédie grecque ! C’est un fait de la nature avec lequel on doit vivre. Finalement, pour mon film, c’était donc assez facile. Je n’ai eu qu’à changer quelques références esthétiques. Pour le reste, l’ensemble est demeuré tel que je l’avais écrit dans les années 70.

Malgré tout, certaines références à l’amour libre ou à l’émancipation sexuelle de la femme fleurent bon les années 70, non ?

La partie sexuelle du film est infime, très ténue. Ça n’est pas la plus importante, en tout cas ! En fait, pour moi, Whatever works n’a pas pour sujet le sexe décomplexé. Il parle de toutes les relations, notamment de notre relation au travail et des choix majeurs que l’on fait dans sa vie. Et puis, toutes les relations entre les hommes et les femmes sont drôles à regarder, non ?

Pourquoi avoir choisi Larry David, co-créateur de la série « Seinfeld » et vedette à part entière de la série « Larry et son nombril », pour incarner votre héros misanthrope ?

Il y a très peu de comédiens qui peuvent jouer des personnages sarcastiques tout en restant aimés du public. Groucho Marx, WC Fields avaient cette capacité d’insulter les gens et en même temps de continuer à être aimés… Larry David possède lui aussi ce talent singulier. Il est tout le temps en colère, tout le temps amer et, malgré cela, tout le monde l’apprécie ! C’est son style, et c’est en quoi il est formidablement bon. Son show, « Larry et son nombril », connait un énorme succès.

En parlant de comédiens, y’a-t-il des acteurs français avec lesquels vous souhaiteriez travailler, puisque l’on murmure que vous pourriez tourner en France ?

Oui, enfin j’ai un projet pour tourner en France l’été prochain, en 2010. De fait, il n’y a rien dont je ne rêve plus que de tourner à Paris ! J’ai failli le faire il y a quelques années, mais c’était trop cher pour moi, je n’avais pas le budget… Là, cette fois, ça devrait aller. Je suis très enthousiaste, je m’y prépare avec beaucoup de plaisir ! D’autant que l’un des plaisirs de filmer à l’étranger, justement, c’est de prendre des acteurs du cru. Donc, dans ce film, il y aura des acteurs américains et, bien sûr, des acteurs français. En tout cas étrangers…

Pensez-vous, déjà, à quelqu’un en particulier ?

Eh bien, pour ne rien vous cacher, je suis sûr que Carla Bruni serait très bien ! Peut-être que je lui demanderai… J’adorerais travailler avec elle ! Elle est formidable, elle a ce vrai charisme. Et puis, elle a l’habitude d’être face à des foules. Il y a de fortes chances, en tout cas, pour que pendant mon séjour à Paris je dîne avec elle à l’Elysée (sourire)…

Pour en revenir à la problématique de Whatever works, pensez-vous, finalement, que l’on reste maître de son destin ?

Tout le monde aime penser que l’on maîtrise, en effet, son destin. Car c’est très inquiétant de réaliser que tout nous échappe… Mais vous pouvez faire très attention, bien manger, ne pas fumer, faire du sport, mettre en somme le maximum de chances de votre côté… malgré tout, l’essentiel reste d’avoir de la chance !

Contrairement à Boris, votre personnage principal qui pense être le seul à avoir une vision globale de la vie, vous êtes donc vous-même plus circonspect, reliant votre vie au hasard ?

Disons que ma vision de la vie est plus limitée et distordue, à l’inverse de ce personnage, tout simplement à cause de mes phobies ! Cela dit, Boris est un être humain, donc vulnérable et effrayé. Il se bat pour s’en sortir, comme nous tous ! La seule chose, c’est qu’il est triste car il sait que cette bataille ne peut être gagnée…

Propos recueillis par Ariane Allard

Titre original : Whatever Works

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Durée : 92 mn


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