Entretien avec Carole Aurouet

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Le printemps des poètes… et des cinéastes.

Jean-Max Méjean : Votre collection « Le cinéma des poètes » aux Nouvelles éditions Place a maintenant plus de cinq ans et comportera dans quelques jours 25 titres. Comment vous en est venue l’idée ?

Carole Aurouet : Après une thèse de doctorat sur les scénarios détournés de Jacques Prévert soutenue à la Sorbonne Nouvelle, je suis devenue enseignant-chercheur à l’université Gustave Eiffel (ex-Université Paris Est Marne-la-Vallée). Outre l’œuvre protéiforme de ce poète (théâtre, poésie, cinéma, collages), j’ai fait porter mes recherches sur les relations qu’entretiennent la littérature et le cinéma, et plus spécifiquement la poésie et le cinéma. Mon Habilitation à diriger des recherches (une sorte de seconde thèse de doctorat qui permet ensuite à un enseignant-chercheur de diriger des doctorants), soutenue à l’Institut Européen de Cinéma et d’Audiovisuel, portait sur le cinéma des poètes, principalement celui de Guillaume Apollinaire, Pierre Albert-Birot, Antonin Artaud, Robert Desnos et Benjamin Péret.

C’est alors que l’éditeur Jean-Michel Place m’a proposé de rejoindre sa maison d’édition, dans laquelle j’avais dirigé un ouvrage en hommage à Bernard Chardère, sous une forme qui me plairait. Très logiquement, j’ai donc soumis l’idée de créer une collection sur le cinéma des poètes. Il a accepté. Ainsi a été lancée cette belle aventure éditoriale !

Jean-Max Méjean : Certains comme Duras, Prévert, Cendrars, etc. sont très connus. D’autres moins. Comment les choisissez-vous ?

Carole Aurouet : Au début, il y a eu des commandes de ma part. Et d’ailleurs je remercie tous les premiers auteurs qui m’ont fait confiance et ont accepté de se lancer avec moi dans cette aventure un peu folle ! Certains poètes se sont alors imposés d’emblée, les surréalistes notamment car ils ont entretenu une relation riche avec le cinéma. Puis, très rapidement, les propositions sont venues d’elles mêmes. Elles sont aujourd’hui très nombreuses, et le sont de plus en plus de jour en jour si bien que je ne peux pas toutes les accepter. Les titres que je retiens sont donc aussi le fruit de la surprise et du hasard, ce qui me plaît bien.

Mes critères de choix sont variés. D’abord, outre les connaissances indispensables sur le sujet et les qualités d’écriture de l’auteur, je suis très attentive à l’envie, à la petite flamme qui peut ou non briller à la perspective de réaliser un tel essai. Je ne souhaite pas de texte insipide, impersonnel. Si je sens que la motivation n’est pas sincère, je préfère ne pas donner suite. Je veux une approche singulière, un opus que personne d’autre ne pourrait écrire à l’identique. Peu importe si l’exhaustivité n’est pas de mise et si le point de vue exprimé ne remporte pas l’unanimité. Peu importe s’il y a des maladresses. Tout sauf de la froideur, du formatage ! De l’authenticité, de la passion, de la vie !

Vous vous en doutez, l’édition de poésie et de cinéma n’est pas une chose aisée. Par conséquent, c’est un petit combat quotidien que je mène bénévolement avec pugnacité pour que les auteurs puissent traiter des sujets non convenus et défricher des pans entiers de l’histoire de la poésie et du cinéma. La sélection devient donc également une habile alchimie entre des personnalités plus ou moins connues. Pour le dire sans ambages, un poète célèbre me donne aussi l’opportunité de faire accepter un poète qui l’est moins et qui n’est pas pour autant moins intéressant. J’ai tenu à cette ligne éditoriale dès le début, dès les deux premiers titres : Aragon et le cinéma par Luc Vigier et Brunius et le cinéma par Alain Keit. J’essaie de la maintenir au maximum. Duchamp et le cinéma par Sébastien Rongier ou Queneau et le cinéma par Marie-Claude Cherqui permettent en quelque sorte de publier aussi Roussel et le cinéma par Erik Bullot ou Delons et le cinéma par Karine Abadie.

 

 

La collection « Le cinéma des poètes » est également placée à d’autres niveaux sous le signe de l’éclectisme.

La place faite aux femmes, même si l’entreprise n’est pas aisée : Duras et le cinéma par Maïté Snauwaert, Vedrès et le cinéma par Laurent Véray et Ilse Garnier dans l’étude transversale Les poètes spatialistes et le cinéma par Marianne Simon-Oikawa. Et Colette et le cinéma par Paola Palma est en cours d’écriture !

La place faite aux poètes non français : Buñuel et le cinéma par Jordi Xifra, Lorca et le cinéma par Angel Quintana, Canudo et le cinéma par Fabio Andreazza, etc. Et paraîtront bientôt des études sur des poètes d’autres nationalités, notamment des américains !

Il y a aussi la place faite à des poètes d’époques variées et parfois encore en vie. Ce sera bientôt le cas d’Alferi et le cinéma par Marie Martin ou de Bob Dylan et le cinéma par Angel Quintana.

Enfin certains auteurs ont déjà écrit un deuxième opus, à paraître ! C’est le cas de quatre d’entre eux. C’est une belle satisfaction pour moi de me dire que les auteurs sont satisfaits, qu’ils me font confiance et qu’ils ont envie de proposer d’autres titres, même si cela peut être ensuite délicat de freiner leur enthousiasme !

 

Jean-Max Méjean : Pourriez-vous développer le concept de la collection ? En effet, certains comme Duras et Buñuel ont manié la caméra, ou ont écrit des scénarios comme Prévert ou Topor, mais d’autres ne l’ont même jamais approché.

Carole Aurouet : L’argumentaire de la collection « Le cinéma des poètes » précise d’emblée que par « poète » est entendu tout créateur qui cherche à innover au-delà des cadres imposés, à l’instar de la définition qu’en donne Guillaume Apollinaire en 1917 : le poète c’est « celui qui découvre de nouvelles joies, fussent-elles pénibles à supporter. On peut être poète dans tous les domaines : il suffit que l’on soit aventureux et que l’on aille à la découverte ». Cette acception large dépasse donc de loin le recours éventuel à la forme versifiée.

La collection « Le cinéma des poètes » prend la forme d’essais monographiques sur des poètes ayant entretenu une relation avec le cinéma. Sont analysés principalement les écrits critiques (articles, chroniques, entretiens ; publiés ou inédits) et les écrits scénaristiques (du synopsis au découpage technique, en passant par la continuité dialoguée, le traitement ; publiés ou inédits). Une approche génétique peut être ponctuellement proposée. Les liens entre le poète et le cinéma peuvent donc être multiformes, en effet, vous avez raison : écriture de scénarios, tournés ou non, réalisation de films, critiques, pratiques spectatorielles, actorat, production, etc. Ainsi les visées de ces opus sont nombreuses : réhabilitation de tout un pan de l’œuvre de ces poètes, apport documentaire indéniable, nouvel éclairage sur l’histoire du cinéma, rééquilibrage de la conception des rapports entre cinéma et littérature (trop souvent abordés sous le seul prisme de l’adaptation littéraire et de la fidélité de l’œuvre cinématographique à l’œuvre littéraire, dans un rapport qui n’est pas égalitaire), etc.

 

Jean-Max Méjean : On remarque que vous vous êtes occupé vous-même de Jacques Prévert. Pourquoi ce choix ?

Carole Aurouet : Et de Desnos ! Parce que ce sont deux poètes que je connais bien, que j’aime infiniment et que je souhaitais proposer aux lecteurs une déambulation dans les rapports que ces derniers avaient entretenus avec le cinéma.

Concernant Robert Desnos, j’avais une envie folle d’écrire cet essai mais je n’osais pas m’autoriser un titre dans ma collection aussi tôt, au bout d’un an. Un concours de circonstance a fait que l’auteure qui devait le traiter n’a pu l’écrire. Des spécialistes de Desnos, comme Marie-Claire Dumas, et l’ayant-droit du poète, Jacques Fraenkel, m’ont incitée à m’y coller. Alors je me suis lancée dans ce nouveau livre ! J’adore Desnos, c’était un poète et un type formidables ! Né cinq ans après les débuts du cinéma, il a été d’emblée enthousiasmé par ce nouveau moyen d’expression. Son engouement a été tel qu’il a participé au 7e art de deux façons. D’une part, il a écrit sur le cinéma : des comptes-rendus de film, des analyses d’œuvres de cinéastes, mais aussi des articles sur des problématiques extrinsèques aux films eux-mêmes ; entre 1923 et 1930, il a livré plus de quatre-vingt papiers. D’autre part, il a écrit pour le cinéma ; Desnos est en effet l’auteur d’une vingtaine de ciné-textes – dont quatre seulement ont été publiés de son vivant, entre 1925 et 1933 – qui correspondent à ce qu’il rêve de visionner sur les écrans des salles obscures. Cet opus éclaire donc cette relation passionnelle et fructueuse.

Quant à Jacques Prévert, comme je vous l’ai dit précédemment, je lui ai consacré ma thèse de doctorat, mais aussi une bonne quinzaine d’ouvrages, dont Le Cinéma dessiné aux éditions Textuel. Pour clore une vingtaine d’années de recherches sur le sujet, j’avais envie de relever un petit défi : d’une part proposer une synthèse du cinéma de Prévert et d’autre part dévoiler mes nouvelles découvertes en la matière afin de passer le relai à d’autres chercheurs et ainsi mettre un point final à mes travaux en la matière. Effectivement, si je continue à transmettre mes connaissances sur Prévert, je ne lui consacre plus aucune recherche. Prévert et le cinéma est sorti en 2017, pour les 40 ans de sa disparition.

 

Jean-Max Méjean : N’avez-vous pas peur que la source se tarisse et, dans ce cas, allez-vous élargir la collection aux poètes plus anciens mais adaptés au cinéma ?

Carole Aurouet : La source n’est pas prête de se tarir tant les liens entre les poètes et le cinéma dont denses ! C’est plutôt moi qui déciderais d’y mettre un terme quand je jugerais que ce sera le moment opportun. J’ai déjà évidemment engagé une réflexion en la matière. Mais nous n’en sommes pas là ! Pour l’instant la collection est bien vaillante ainsi et a une belle vie devant elle ! À l’heure actuelle, une vingtaine de titres sont en cours d’écriture !

 

Jean-Max Méjean : Je sais que deux nouveaux volumes vont paraître ces jours-ci. Pouvez-vous nous les dévoiler ?

Carole Aurouet : Avec plaisir ! Ils paraîtront en effet pour le Marché de la poésie qui se tiendra place Saint-Sulpice du 9 au 13 juin prochain. Deux très belles floraisons pour ce printemps !

Léger et le cinéma de François Albera. Fernand Léger, artiste célèbre, était aussi cinéaste et théoricien du cinéma. Lui qui confessait avoir été tenté d’abandonner la peinture pour le cinéma n’est pas seulement un spectateur passionné et l’interlocuteur d’Epstein puis d’Eisenstein. Il est l’auteur d’un film d’avant-garde, Le Ballet mécanique (1924). Il a également collaboré à des films comme décorateur, costumier et affichiste. Il a été le sujet de documentaires. Il a réalisé un sketch dans le film collectif de Hans Richter, Dreams that Money Can Buy (1947) aux côtés de Man Ray, Max Ernst, Alexandre Calder. En outre, il a rédigé des scénarios qui ne virent pas le jour, et il a écrit des articles sur le cinéma qui, eux, ont bien été publiés. On constate dans toute sa démarche artistique que la place du cinéma est prégnante, introduisant la question du mouvement. C’est pourquoi il s’est autant intéressé au cinéma d’animation qu’à la prise de vue « réelle ». Jusque dans son écriture se repère en effet cette conception qu’on peut appeler, selon la formule d’Eisenstein : cinématique.

Dotremont et le cinéma par Stéphane Massonet. Du surréalisme jusqu’aux activités expérimentales du groupe Cobra, le poète belge n’a cessé de placer le cinéma au cœur d’une entreprise qui croise écriture et peinture. L’œil magique de la caméra surréaliste lui permet de suppléer aux limitations de la vue humaine, avant de plaider en faveur d’un cinéma expérimental qui ouvre à l’exploration des contrées du « JAMAIS VU », afin de donner à voir l’invisible. Durant les années qui suivront l’aventure de Cobra, Dotremont rédige différents textes et scénarios pour les films de ses amis qui font émerger la tension entre écriture et image, entre une modernité qu’il faut fuir et le voyage vers l’ailleurs. Chacun de ces textes contribue à la genèse poétique du logogramme. Le cinéma avec les Marx Brothers, Chaplin ou Tati constitue pour Dotremont une source d’humour qui traverse sa poésie et dès qu’il se livre devant la caméra, ce sera pour donner corps au mythe de Logogus et faire voir au spectateur la spontanéité graphique et poétique du logogramme en train de se peindre.

Je trépigne d’impatience que vous les ayez ces deux livres entre les mains, vous allez vous régaler !

 

Jean-Max Méjean : Vous êtes par ailleurs enseignant-chercheur à l’Université, directrice d’une autre collection de cinéma, « Les films sélectionnés », aux éditions Gremese, comment mariez-vous toutes ces activités ?

Carole Aurouet : Et cette année 2021 sera aussi pour moi celle du lancement d’une nouvelle collection aux Nouvelles éditions Place : « Le cinéma invisible » ! Deux opus paraîtront chaque année, au printemps et à l’automne, et proposeront aux lecteurs des scénarios inédits d’artistes, qu’ils soient peintres, photographes, scénariste, réalisateurs, etc. Chaque texte sera présenté et contextualisé par un spécialiste de l’artiste. La mise en page sera créative, réalisée par le graphiste Antoine Robaglia, différente pour chaque cas. Nous allons ainsi sortir de l’oubli tout un pan de l’histoire du cinéma et réhabiliter de bien beaux textes !

Comment je marie toutes ces activités ? En étant très organisée et en prenant beaucoup de plaisir dans tout ce que je fais !

La collection « Les films sélectionnés » aux éditions Gremese, c’est une autre très belle histoire. Pour cet éditeur, j’ai écrit L’Etoile de mer, un poème de Desnos tel que l’a vu Man Ray. Or, il se trouve que Gianni Gremese a été tellement heureux de notre collaboration pour cet ouvrage qu’il m’a demandé de diriger une collection… Ainsi est née « Les films sélectionnés », une collection qui se focalise sur un film et l’éclaire notamment par un récit de film descriptif et analytique, une revue de presse, etc. Ces ouvrages, imprimés sur un beau papier glacé et bien illustrés par des photogrammes, s’adressent à tous les passionnés de cinéma et peuvent être aussi de précieux outils pour les lycéens, les étudiants et leurs enseignants. Depuis 2019 ont vu le jour des études sur des films très variés, là encore je tiens à l’éclectisme : La Douleur d’Emmanuel Finkiel par Maïté Snauwaert, Les Nuits de Cabiria de Federico Fellini par Dominique Delouche, La Grande Vadrouille par vous-même et Mademoiselle de Tony Richardson par Carole Wrona. Cinéma d’auteur, cinéma populaire, c’est important aussi. Je regrette les préjugés, le mépris, voire le l’élitisme dont font preuve certains à l’égard du cinéma populaire, et je vais être très attentive à lui accorder une place.

Jean-Max Méjean : Pouvez-vous d’ores et déjà nous annoncer les deux prochains titres de la collection « Les films sélectionnés » ?

Carole Aurouet : Bien entendu, effet apéritif oblige ! Le printemps sera décidément roboratif, avec La Ruée vers l’or de Charlie Chaplin par Karine Abadie. C’est en 1925 que sort sur les écrans le premier long métrage mettant en vedette le personnage de Charlot. Grâce à ce film, réalisé en toute indépendance, Chaplin renoue avec le succès et marque l’histoire du cinéma mondial. La Ruée vers l’or apparaît alors comme le parfait résumé de l’art de Chaplin et comme une pièce centrale de l’art cinématographique en général. L’opus que présente Karine Abadie propose d’examiner ce film qui montre, au-delà des aventures de Charlot dans les montagnes enneigées du Klondike et des nombreuses scènes d’anthologie qui ont marqué et marquent encore les spectateurs, une conquête de l’art cinématographique par un de ses plus inventifs représentants. En appréhendant La Ruée vers l’or du point de vue des discours, l’auteure rappelle le moment clé que constitue la sortie de ce film dans une histoire du cinéma qui, en 1925, est en train de se construire.

Et cet automne, c’est Au-revoir les enfants de Louis Malle écrit par Aurore Renaut qui verra le jour ! Récit d’une amitié entre deux jeunes garçons à l’hiver 1944, un bourgeois et un juif caché dans un pensionnat catholique, Au revoir les enfants est tiré d’une histoire vraie. Julien Quentin, alias Louis Malle, est un bon élève un peu rebelle qui voit d’un mauvais œil l’arrivée de Jean Bonnet, qui lui dispute tout de suite la première place. Le cinéaste ne cache rien des brimades dont Bonnet est l’objet, non parce qu’il est juif, ce que les élèves ignorent, mais parce qu’il est « nouveau ». C’est la force du film de reléguer la Seconde Guerre mondiale à l’arrière-plan afin d’être d’abord un grand film sur l’enfance. Toutefois, une menace plane constamment : la découverte par Julien de la véritable identité de Bonnet, la présence des collaborateurs français ou encore celle, sporadique, des soldats allemands. Aurore Renaut analyse de manière inédite les rapports de Louis Malle avec ses souvenirs et les faits tels qu’ils se sont déroulés. Le petit Louis Malle n’a jamais été aussi proche qu’il le décrit de son camarade juif ; il n’en a pas eu le temps. Son film corrige l’histoire et raconte les relations qu’il aurait aimé avoir avec lui. Il lui aura fallu plus de 40 ans pour pouvoir se confronter à cet épisode traumatique et fondateur de son enfance, 40 ans pour rendre hommage à un ami avec une maturité nécessaire qui lui permette de bien raconter son histoire.

Là encore, je trépigne d’impatience que vous ayez ces livres entre les mains car vous allez vous régaler !

 

Jean-Max Méjean : Hormis Prévert, quel est le poète que vous trouvez le plus cinégénique ?

Carole Aurouet : Oh c’est une question très difficile tant ils le sont tous à leur manière ! Je vais donc botter un peu en touche en citant plutôt le premier à l’avoir été, un poète qui lui aussi m’est très cher : Guillaume Apollinaire. Certains lecteurs ici ignorent peut-être qu’Apollinaire a écrit un scénario avec André Billy en 1917 : La Bréhatine. Cinéma-drame. Et qu’il a récidivé, seul, avec Un oiseau qui vient de France, malheureusement inachevé. Or, quand j’ai étudié ces textes scénaristiques, notamment dans le cadre d’un ouvrage paru simultanément en français et en italien aux éditions de Grenelle : Le Cinéma de Guillaume Apollinaire. Des manuscrits inédits pour une nouvel éclairage, j’ai réalisé encore davantage à quel point il pensait en images. Il exploite bien le cinéma encore balbutiant en tant que langue primitive universelle, qui en ce sens abolit les frontières linguistiques. Les images parlent d’elles mêmes et Apollinaire exploite cette spécificité en tentant d’effacer au maximum la relation verbale. Tout son premier scénario s’articule grâce aux images. Il écrit pour être vu et non pour être lu, c’est incontestable.

Jean-Max Méjean : Pour finir, un rêve, un vœu, un souvenir ?

Carole Aurouet : Tout simplement un souhait : pouvoir citer tous les auteurs de la collection « Le cinéma des poètes » car certains n’ont pas pu l’être encore. Un inventaire, à la Prévert, avec une surprise à la fin ☺

Aragon et le cinéma – Luc Vigier – 2015

Artaud et le cinéma – Lorraine Dumenil – 2019

Breton et le cinéma – Georges Sebbag – 2016

Brunius et le cinéma – Alain Keit – 2016

Buñuel et le cinéma – Jordi Xifra – 2020

Canudo et le cinéma – Fabio Adreazza – 2018

Cendrars et le cinéma – Jean-Carlo Flückinger – 2017

Delons et le cinéma – Karine Abadie – 2017

Desnos et le cinéma – Carole Aurouet – 2016

Dotremont et le cinéma – Stéphane Massonet – 2021

Duchamp et le cinéma – Sébastien Rongier – 2018

Duras et le cinéma – Maïté Snauwaert – 2018

Fondane et le cinéma – Nadja Cohen – 2016

Jacob et le cinéma – Alexander Dickow – 2017

Léger et le cinéma – François Albera – 2021

Les Poètes spacialistes et le cinéma – Marianne Simon-Oikawa – 2019

Michaux et le cinéma – Anne-Élisabeth Halpern – 2016

Lorca et le cinéma – Angel Quintana – 2019

Ponge et le cinéma – Philippe Met – 2019

Prévert et le cinéma – Carole Aurouet – 2017

Picabia et le cinéma – Carole Boulbès – 2020

Queneau et le cinéma – Marie-Claude Cherqui – 2016

Roussel et le cinéma – Erik Bullot – 2020

Topor et le cinéma – Daniel Laforest – 2020

Vedrès et le cinéma – Laurent Véray – 2017

 


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