Entre chien et loup

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Filmer le monologue intérieur : un exploit ? Plutôt une erreur…

Dernière sortie d’un cinéaste coréen assez mal distribué en France, Entre chien et loup (2006), pouvait non seulement séduire par son teaser – un homme suit dans les montagnes une jeune femme aperçue dans la vitre d’un bus –, mais aussi par son titre aux couleurs crépusculaires… Un double atout pour Jeon Soo-il. Satisfaisant pour autant ?

Dès le début du film, structuré autour d’appels téléphonique, Jeon Soo-il fait le choix de nous rejeter hors du récit, au risque de ne jamais nous y faire adhérer ne serait-ce qu’affectivement. Il pourrait nous émouvoir, ce réalisateur ténébreux, déprimé et désargenté, à la recherche de sa maison d’enfance. Elle pourrait nous toucher, cette héroïne aux yeux las et tourmentée, à la recherche de sa sœur disparue. Pourtant, les deux protagonistes mutiques fument, se suivent et se regardent sans intensité, archétypes encore trop creux pour être de bonnes caricatures. Il nous assomme, ce réalisateur gauche et alcoolique à l’amour transi, artificiel et à la tristesse forcée. Elle nous lasse, cette héroïne à l’agitation affectée, qui marche de nuit sans gilet jaune sur les routes de campagne.
 

« La vie est si triste, dis-moi que tu m’aimes, tous les jours sont les mêmes, j’ai besoin de romance. »

On pourra toujours gloser sur la lenteur contemplative du film, celle-ci n’est pas gage de densité temporelle. Les flashbacks sont traités de la manière la plus plate qui soit, par insertion diapo de cadres figés. Jeon Soo-il déroule sa trame sans jamais prendre le risque de la modeler, de la structurer. En résulte une indifférence croissante  à l’égard de cette « recherche du temps perdu » égoïstement close et autocentrée. Premier spectateur concerné par son œuvre à la portée largement autobiographique, on soupçonne Jeon Soo-il de s’être laissé prendre au jeu de l’autosatisfaction, au point d’en oublier que le cinéma ne peut se résumer au monologue, encore moins intérieur. Poids du passé et paradis perdus, paysages maritimes désolés et horizons neigeux, Jeon Soo-il avait toutes les cartes en main pour réaliser une belle composition romantique. Dommage pour ses deux amoureux solitaires, qu’il saborde dans un film parfaitement lisse…

Titre original : Gae oi neckdae sa yiyi chigan

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Durée : 110 mn


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