En la Cama

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Une femme, un homme, une chambre. Tels sont les ingrédients narratifs du nouvel exercice de style choisi par Matias Bize. Après Sabado, una pelicula en tiempo real (2003), long-métrage constitué d´un seul plan séquence, le jeune cinéaste chilien part cette fois à la conquête du huis clos. Exploration humaine et cinématographique sont au programme de […]

Une femme, un homme, une chambre. Tels sont les ingrédients narratifs du nouvel exercice de style choisi par Matias Bize. Après Sabado, una pelicula en tiempo real (2003), long-métrage constitué d´un seul plan séquence, le jeune cinéaste chilien part cette fois à la conquête du huis clos. Exploration humaine et cinématographique sont au programme de ce second film prometteur.

Ecran noir. Gémissements affamés. En quelques secondes la caméra est lâchée. Le flou des corps s´agite sous l´intimité des draps, révélant entre deux gestes saouls des peaux fiévreuses d´excitation. Le spectateur se retrouve au coeur d´une rage pulsionnelle un brin voyeuriste. Un brin seulement, car la pudeur des images qui s´offrent à lui dégageraient même une certaine pureté. Quand les corps retombent inertes, l´histoire peut commencer. Ils ne se connaissent pas, n´ont même pas retenu leur prénom. Et tout l´intérêt du film est là : qu´est-ce qu´une intimité, qu´est-ce que se connaître et qu´est-ce qu´être un couple, finalement ?

Ayant en tête la médiocre Liaison pornographique de Frédéric Fonteyne (1999), difficile de ne pas craindre l´ennui avant d´entamer près d´une et demi heure << d´après acte sexuel >>. Matias Bize parvient plus ou moins à nous épargner. Si ce huis clos centré autour un lit d´hôtel réussit sans difficultés à éveiller notre curiosité, l´exploration humaine qui lui était promise reste pourtant encore trop partielle. L´idée de départ, plutôt alléchante, laisse un certain goût d´inachevé. Le cinéaste déclare avoir voulu << proposer un lit comme espace narratif car c'est le lieu vital par excellence. C'est au lit que l'on vient au monde, que l'on joue, que l'on procrée, que l'on se repose, que l'on trahit et que l'on meurt. >> Les trois ingrédients principaux du film (rappel : lui et elle et le lit), il faut le souligner, fonctionnent pourtant parfaitement. Le personnage de Daniela (divine Bianca Lewin) est tout simplement enchanteur, il résonne dans chacun des plans.

En la cama (<< Au lit >>) semble en fait être une allégorie des rapports humains. Ces deux inconnus sont eux-mêmes confrontés à un inconnu : la chambre d´hôtel. << Le lit d'un hôtel est un lieu de liberté, un refuge, un endroit anonyme, chargé de secret et de culpabilité. >>, justifie Matias Bize. Et n´est-ce pas l´histoire même de l´humain que de ne pas se connaître, perdu dans un monde qui lui est tout autant inconnu ? Le savoir atténue la peur, mais le savoir partiel entretient le mystère. Daniela et Bruno l´ont parfaitement compris. << En la cama >>, ils s´aiment d´abord, ensuite ils se séduisent. Et leur histoire d´amour, aussi courte et impulsive soit elle, leur fait vivre à tour de rôle des sentiments communs à tous les couples, les << vrais >>. Sensualité, jalousie, amour, colère, incertitude et enfin peur de perdre l´autre, se relaient au creux de leur regard, le temps d´une nuit.

La fluidité de la réalisation extirpe ce long-métrage de la << théâtralité >>. Matias Bize multiplie les angles de prises de vue. Gros plans, contre-plongées, plongées, longues focales, la caméra semble à l´aise sur son terrain de jeu. Les acteurs à l´esthétique quasi parfaite flamboient sous l´oeil séduit du spectateur qui n´est pas encore prêt à renoncer au privilège d´être juste là avec ceux qu´il a appris à connaître en même temps qu´eux ont appris à se connaître. Lorsque soudain Daniela conclut <>. On se sait s´il est trop tôt ou finalement temps que le dénouement arrive (une heure et demi sur un lit tout de même !) mais le film s´achève sur une sensation étrange. Ils se sont attachés l´un à l´autre et nous à eux, une double séduction a opéré. Or que restera t-il de cette histoire demain, ou dans plusieurs années ?

En la cama, malgré des faiblesses dues au manque de surprise générale dans son discours, parvient à toucher du doigt les contradictions humaines. Matias Bize s´inscrit dans la nouvelle génération du cinéma chilien qui, en partant d´exercices de style purement techniques, parvient à produire des oeuvres intelligentes suscitant réflexion et interrogation.

Titre original : En la Cama

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Durée : 85 mn


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