Elizabeth Taylor : d’amour et de cinéma

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Une filmographie impressionnante pour une femme qui le fut tout autant jusqu’à ses 79 printemps. Comme sa carrière, elle a mené sa vie amoureuse tambour battant pour finir par se consacrer aux autres, en particulier les malades du sida.

« L’actrice Elizabeth Taylor, l’une des dernières légendes de l’âge d’or du cinéma hollywoodien, est morte (mercredi 23 mars 2011) à l’âge de 79 ans », a indiqué l’agent de la célèbre actrice dans un communiqué. La comédienne américaine s’est éteinte « paisiblement » à l’hôpital Cedars-Sinaï, à Los Angeles, entourée de ses quatre enfants (Michael Wilding, Christopher Wilding, Liza Todd et Maria Burton). Hollywood vient ainsi de perdre l’une de ses plus grandes actrices, l’un des derniers spécimens d’une époque révolue, celle où les comédiens étaient issus du système des studios. Pour Elizabeth Taylor, ce sera (évidemment) la Metro Goldwyn Mayer, la grande MGM. Studio dont elle restera proche même quand aucun contrat ne l’y liera plus au début des années 60.

Née à Londres de parents américains le 27 février 1932, sa carrière de comédienne commence à Los Angeles, où ses parents se sont installés en 1939 après avoir quitté l’Europe en guerre. Son premier film, au titre évocateur – There’s One Born Every Minute (1942) –, est le seul qu’elle fera pour le compte d’Universal Pictures, qui la recrute après des essais. A 10 ans, Elizabeth Taylor est sur les écrans américains et son personnage est partie prenante d’un récit qui parle, entre autres, d’amours contrariées. Une thématique qui sonne comme le fil d’Ariane de sa carrière cinématographique. Et un peu de sa vie.

Universal Pictures se sépare de la jeune Liz mais la MGM la fait rebondir. Elle y démarre avec Lassie Come Home (1943). La fillette devient une star avec Le grand National (National Velvet, 1944), dont elle partage l’affiche avec Mickey Rooney. Cette année-là, l’apparition de la jeune actrice dans Jane Eyre (1944) ne passe pas non plus inaperçue. Aux côtés, entre autres, d’Orson Welles et dans un film où elle ne figure même pas au générique, son interprétation préfigure, selon certains, la comédienne accomplie qu’elle deviendra. Elizabeth Taylor (dé)montre qu’elle sait se faire aimer de la caméra et l’utiliser pour servir un rôle.

 

Une dizaine d’années plus tard, à 23 ans, elle tutoie les plus grands comme Rock Hudson et James Dean, aux côtés desquels elle apparaît dans Géant (1956). Le premier restera l’un de ses amis les plus proches et sera à l’origine d’une autre vocation : son combat contre le sida. Deux ans plus tard, L’Arbre de vie (Raintree County, 1957) lui vaut la première de ses quatre nominations aux Oscars dans la catégorie meilleure actrice : elle est Susanna Drake, une femme du Sud au passé troublé. Liz Taylor donnera ensuite la réplique à Paul Newman dans La Chatte sur un toit brûlant (Cat on a Hot  Tin Roof,1958) de Richard Brooks, incarnant une incandescente Maggie Pollitt, femme délaissée par son mari Brick (Paul Newman) qui sombre dans l’alcool après la mort d’un ami. Elle prêtera par la suite ses traits à Catherine Holly, une jeune femme traumatisée par un horrible crime, dans Soudain l’été dernier de Joseph L. Manckiewicz (1959).

Si les deux décennies précédentes sont professionnellement riches, les années 60 sont celles de la consécration. Deux oscars l’attendent. Le premier arrive avec La Venus au vison (Butterfield 8) (1961). Elizabeth Taylor y incarne Gloria, call girl à ses heures qui découvre inopinément les tourments de l’amour au point de remettre en question ses choix de vie. Son impressionnante incarnation de Martha dans Qui a peur de Virginia Woolf ? (Who’s afraid of Virginia Woolf, 1966) lui vaut également une statuette. La performance et le risque qu’elle prend en incarnant une femme aigrie et vieillissante, alors qu’elle-même est au sommet de son art et irradiante de beauté, vont définitivement asseoir sa carrière. D’autant qu’entre ses deux films, elle est devenue l’actrice la mieux payée d’Hollywood, grâce à Cléopâtre. Comme une boutade, elle réclame un million de dollars pour incarner la reine égyptienne sous la direction de Joseph L. Mankiewicz, qui l’avait dirigée dans Soudain l’été dernier. Elle obtient le cachet demandé et rencontre l’homme qu’elle épousera à deux reprises (en mars 1964 et en octobre 1975). Leur relation tumultueuse bouleversera aussi bien le tournage que la vie des deux comédiens. La passion qui consume le duo Taylor-Burton restera d’ailleurs figée dans la pierre en 1969. La "Burton-Cartier Diamond" offerte à Liz Taylor sera rebaptisée "Burton-Taylor Diamond" et revendue par la comédienne en 1979 pour bâtir un hôpital au Bostwana. La forte inclinaison de l’actrice pour les diamants est un secret de polichinelle que ses maris successifs ont entretenu, en lui offrant quelques unes des plus belles pierres du monde. Anoblie en 1999, Dame Taylor y renoncera au cours des ans pour financer ses actions humanitaires.

Une héroïne de théâtre au cinéma

Les mariages de la belle – quatre avant Burton et deux autres après son second divorce d’avec l’acteur britannique à qui elle donnera la réplique dans au moins onze films – font d’elle une star prisée par les journaux people. Elizabeth Taylor fait d’ailleurs un clin d’œil à la presse lorsqu’elle reçoit en 1985 le Cecil B. Demille Award pour l’ensemble de sa carrière, lors de la cérémonie des Golden Globe. Emue par cette prestigieuse récompense, elle ne manque pas de souligner que non seulement elle ne s’attendait pas à la recevoir, mais qu’il est « incroyable » qu’elle lui soit remise par la presse (les Golden Globe sont décernées par la presse étrangère accréditée à Hollywood). Les années 70, marquées par une série de flops, sont aussi un long épilogue à sa carrière cinématographique. La Famille Pierrafeu (1994) sera sa dernière grande apparition sur grand écran. Elizabeth Taylor fait depuis des années des infidélités régulières au cinéma en apparaissant régulièrement dans des séries et téléfilms.

 

Les dramaturges comme Tennessee Williams – dont Soudain l’été dernier et La Chatte sur un toit brûlant sont les adaptations cinématographiques de deux œuvres – et Edward Albee, l’auteur de Qui a peur de Virginia Woolf, lui offriront indirectement ses plus beaux rôles. Le talent de l’actrice américaine aura servi à explorer les méandres les plus obscurs de la relation amoureuse. Elizabeth Taylor est à la fois cette jeune femme amoureuse dans Une place au soleil ( A Place in the Sun, 1951) de l’ambitieux George Eastman – alias Montgomery Clift, dont elle sera aussi très proche –, qui causera la mort d’une autre et la perte de l’être aimé. La comédienne est aussi cette femme repoussée par un autre sex symbol, Marlon Brando, dans Reflets dans un œil d’or  de John Huston (1967). Dame Taylor n’en est pas moins restée la jeune fille dans Le Père de la mariée (Father of the Bride,1950), où elle joue aux côtés de Spencer Tracy, qui incarne le père incapable de se résoudre à voir sa petite fille convoler. La première du film se tiendra deux jours après son premier et bref mariage avec Conrad Hilton Jr (de la chaîne d’hôtels de luxe). Elle n’a alors que 18 ans. Ses deux derniers mariages avec le politicien John Warner (1976-1982) et l’artisan Larry Fortensky (1991-1996) la renvoient à elle-même, faisant ressurgir ses vieux démons et ses excès finissent par la rattraper dans les années 80. Depuis le tournage du Grand National, où elle a fait une chute de cheval à 12 ans, elle souffre du dos en dépit de multiples opérations. Pour se soulager, elle abuse du cocktail analgésiques et alcool. Elizabeth Taylor rentrera au centre de désintoxication Betty Ford à deux reprises, en 1983 et en 1988, où elle rencontre son dernier époux.

Les maux n’épargnent pas la comédienne, mais elle les transcende et trouve le temps de s’occuper de ceux des autres, les malades du sida notamment. Dès 1984, elle s’engage dans la lutte contre le mal du siècle dont est atteint l’acteur Rock Hudson, l’ami de longue date qui meurt en 1985. Cette année-là, l’Amfar (Foundation for Aids Research, pour la recherche contre le sida) est créée et elle se propose de prendre en charge la collecte de fonds. Elizabeth Taylor met sa célébrité au service de la promotion de l’Amfar. Après le cinéma, c’est l’humanitaire qui profite de ses talents. « Jouer la comédie est pour moi aujourd’hui artificiel. Voir les gens souffrir est réel », déclare en 2005 l’artiste qui, ironie du sort, vouera  une partie de son existence aux victimes de la « maladie de l’amour ». L’amour encore, l’amour toujours pour Liz. 

Des yeux violets, une chevelure d’ébène, un corps de rêve, huit noces, sept maris, son combat contre l’alcoolisme, son engagement contre la maladie du siècle et son amitié avec Michael Jackson ont contribué à faire d’Elizabeth Rosemond Taylor l’une des actrices les plus populaires dans le monde et aux Etats-Unis. Dans son pays, le numéro de l’émission Biography qui lui fut consacré en 1987 fut le plus regardé de ce programme interrompu en 1995. Assurément, Dame Taylor aura marqué tous les écrans. 


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